Errances

Il crut entendre un hurlement dans le lointain, mais il se dit que c’était le fruit de son imagination, créé par des peurs ancestrales qui refaisaient surface. L’époque des loups était révolue et à part les sangliers, qu’il fallait mieux éviter, les autres animaux ne représentaient pas une menace. Après de longues heures d’angoisse, il finit quand même par s’assoupir et ce fut le froid qui le ramena à la réalité. Ses vêtements étaient humides et ses membres ankylosés, mais il ne devait pas baisser les bras s’il ne voulait pas bêtement mourir à deux pas de la civilisation. Il eut beau tendre l’oreille, il n’entendit rien à part le chant des oiseaux, ce qui signifiait qu’il n’y avait pas de route à proximité, mais il gardait espoir, car il savait que le dimanche, des randonneurs en tout genre arpentaient la forêt et il finirait bien par en croiser un. Il récupéra quelques gouttes de rosée, pas assez pour apaiser sa soif, mais c’était toujours mieux que rien et il continua à avancer pour tenter de se réchauffer. Pourquoi n’avait-il pas été scout ? Il aurait su comment survivre en pleine nature, trouver les plantes comestibles, allumer un feu sans briquet et se faire un abri de fortune. Il regrettait de ne pas avoir acquis ces connaissances qui lui auraient été si utiles. Mais qui aurait pu imaginer qu’en France, à deux pas de Paris, on pouvait se retrouver si démuni ?

En dépit du frisson qui le parcourut, David s’en persuada et finit par s’endormir. Il était en manque d’inspiration depuis quelque temps et cette aventure aura au moins eu le mérite de réveiller son imagination. Il écrivait depuis des années, mais ne vivait pas de ses œuvres, c’était une passion qu’il partageait avec ses amis et quelques amateurs sur la toile. Il avait mis une centaine de nouvelles en ligne, espérant toujours qu’un éditeur s’intéresserait à son travail, mais il avait renoncé à cette ambition depuis longtemps et il se contentait des félicitations des quelques personnes qui le lisaient.

Il se précipita pour s’abreuver de cette eau qu’en temps normal il n’aurait pas voulu avaler, mais il avait trop soif pour se demander si elle était polluée. S’il avait eu un couteau, tout aurait été plus facile, mais ce n’était pas le cas et il devait se débrouiller comme il le pouvait. De toute façon qu’aurait-il pu faire de plus ? Attraper un animal, juste à l’aide de ses mains, c’était impossible et même s’il y parvenait, qu’en ferait-il ? Le tuer puis le dévorer cru, c’était hors de question et cette idée lui retourna l’estomac.

Nous avons remarqué que dans de nombreux mondes, la technologie a remplacé la magie, ce qui malheureusement a souvent des effets dramatiques. L’homme oublie sa véritable place dans la nature et il se prend pour un dieu qui peut tout contrôler. La terre est saccagée, des espèces s’éteignent et il ne se rend même pas compte qu’il provoque sa propre fin. Nous ne pouvons rien y changer, juste contempler l’étendue des dégâts et prier pour que la situation s’inverse.

Il avait mis suffisamment d’argent de côté et elle lui avait proposé tout ce qui rentrait dans son budget, un séjour en Grèce, aux îles Canaries, en Égypte, mais il ne savait que choisir. Tout lui faisait envie, mais il gardait au fond de lui la peur de l’inconnu. C’était plus un défi qu’une véritable volonté de visiter un pays. Il voulait prendre l’avion pour la première fois de sa vie, quitter les frontières de l’hexagone pour découvrir d’autres horizons.