J’ai été moto-taxi des années à Canton. J’en ai vu passer des Vietnamiennes destinée à la prostitution, elles étaient toutes trafiquées ! Ensuite, j’ai décidé de ne plus leur servir de taxi, je ne voulais plus participer.
Puis, un jour, j’ai croisé une jeune fille de 19 ans, elle était perdue,
paniquée et m’a supplié de l’aider. Elle venait d’échapper à un homme à qui on l’avait vendue : « Il a 67 ans, il pourrait être mon grand-père ! ».
J’ai cédé et je l’ai confiée à un ami de 22 ans. Finalement, ces deux-là se sont plus et sont restés ensemble. Mais entre-temps, le vieux m’avait retrouvé et il exigeait que je lui ramène sa femme, son « investissement » perdu. Il menaçait de lui couper le tendon d’Achille pour la punir.
Sinon, je devais lui verser 5000 yuan de dédommagement pour avoir permis à sa femme de s’échapper. Par peur de la dénonciation et pour éviter les ennuis, j’ai vendu ma moto, lui ai versé 3000 yuan, mon ami 2000, nous étions quitte. Lui est alors parti à Macao travailler pendant que la Vietnamienne restait chez lui. Seulement, elle l’a trompé pendant son absence. Lui est rentré désespéré et a tenté de se suicider. Dommage pour elle, elle s’était faite piéger à nouveau et avait été revendue à un autre vieux !
Je n’étais pas amoureuse de mon mari chinois, mais je lui suis reconnaissante d’avoir été gentil avec moi, je suis triste de l’avoir laissé seul avec un petit enfant, la vie doit être pénible pour lui.
J’ai beaucoup pleuré d’avoir abandonné mon petit garçon,
il n’avait que deux ans. Je me suis consolée à la naissance de mon
second fils. Mon mari m’a aussi consolée et j’ai pu m’apaiser. Une fois
j’ai tenté d’appeler en Chine, mais j’ai vite raccroché par manque de
courage. Je voudrais revoir mon fils, mais je préfère ne pas contacter la
famille. C’est le passé, mieux vaut ne pas le réveiller.
La pression subie par ces femmes provient parfois tout autant du côté
des familles vietnamiennes et révèle la force du lien qui a fini par se créer
avec une belle-famille chinoise reconnaissante.
Ainsi, la honte s’abat sur les femmes non mariées et leurs familles. Ne pas trouver d’époux représente un échec social. D’autant plus lorsque la présence d’un enfant devient vitale pour le futur d’une femme. Elle reste ignorée, non-respectée, si elle ne se marie pas ou enfante hors mariage.
Sa place dans la société se justifie toujours dans le cadre de l’union matrimoniale, même aujourd’hui, surtout au sein du monde rural. Les petites filles sont éduquées pour devenir des épouses. Leurs talents de femmes d’intérieur, d’épouse modèle, de mère leur donneront une existence et reconnaissance sociales à l’âge adulte.
Le mariage, la tenue d’un foyer et la maternité représentent encore les tâches principales de leur existence. Sortir de ce modèle revient donc à se marginaliser.