Dans la littérature de la Catastrophe, les fonctions vitales de l’art apparaissent au grand jour, mais infléchies par l’acte de témoigner, qui limite les envolées de l’imagination créatrice et confie à la littérature de tout autres tâches que celles qui lui étaient échues jusque-là : celles non seulement de dire et raconter la “vérité” vue ou vécue, mais de la promettre et de l’assermenter par sa présence à l’événement censée garantir son dire-vrai. Par ce serment, la parole du témoin se rattache toujours, même lointainement, à la sphère juridico-religieuse. Mais ce n’est pas ce serment qui met la littérature en suspens : c’est la réalité qui le rend nécessaire. Et celle-ci transforme l’acte de témoigner lui-même : le témoin de la Catastrophe prête serment aux vivants au nom des morts : par la vérité qu’il énonce il lui faut tenter de rendre justice à des disparus, de ritualiser un deuil et de rétablir un continuum détruit par autre chose que le temps.