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Critiques de Cécile Canut (6)
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Langue

Cécile Canut est spécialiste de sociolinguistique politique notamment dans le contexte africain, elle est professeur d’université. Ce dernier ouvrage « langue » est une proposition qui essaie de vulgariser des notions et des problématiques liées à la langue. D’habitude les écris de cette auteure ont un caractère scientifique. Dans « langue » il est remarquable l’effort pour toucher des consciences et faire passer des arguments qui valident son posture devant la situation des différentes langues actuelles. Cet effort de vulgarisation est très bien mis en place à travers des doubles pages en police gras où on trouvera quelques idées principales à retenir. Il s’agit d’une relativisation du concept de langue. Canut présente à travers sept chapitres des idées imaginées sur la langue notamment partir de sa connaissance de domination de la langue française dans l’Afrique et par son implication dans la recherche. A travers les lignes suivantes, j’essaie de résumer les chapitres de ce livre. Toutefois, le contenu de cet ouvrage est une vraie mine d’or pour les sociolinguistes.

« Un ordre de la langue », la langue est conçue comme une appartenance à une élite sociale, à travers de la langue des différences sociales s’établissent.

« Une langue en monument » la langue s’est imposé comme le symbole d’une nation et du supposé « génie français », l’introduction du dictionnaire et de la systématisation d’une grammaire ont contribué à ériger la langue en monument.

« Civiliser par la langue »quelques valeurs imaginaires ont été associées aux langues, Canut nous explique comment la langue française a été utilisée comme standard des gens civilisés. Des diverses catégories sociales font des distinctions, voir des exclusions basés sur la langue parlée.

Conditionner par la langue ? On apprend sur le cas de Victor Klemperer et de son étude sur la langue utilisée par le III Reich.

« Prise de parole ». L’auteure conclut : Le discours est modelé par les conditions de production de celui-ci.

« Paroler, langager, langaigier… » L’auteure utilise ces néologismes pour signifier que la parole est fait des rencontres avec les autres, la parole se construit dans l’interaction avec les autres.



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Provincialiser la langue

Une superbe analyse historique de la manière dont la colonisation alla de pair avec une conception idéologique du langage, et une recherche audacieuse de pistes d’émancipation toujours à renforcer.





Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/22/note-de-lecture-provincialiser-la-langue-cecile-canut/



Découvert à l’occasion de la rencontre croisée avec Michael Roch et son « Tè Mawon », organisée à la librairie Charybde (Ground Control) il y a quelques semaines, « Provincialiser la langue » est le septième ouvrage de Cécile Canut, universitaire en sciences du langage spécialiste des caractéristiques sociolinguistiques de l’Afrique de l’Ouest mais aussi de la circulation des discours autour des Roms en Bulgarie et en France. Publié aux éditions Amsterdam en 2021, sous-titré « Langage et colonialisme », il nous offre une analyse pénétrante et monstrueusement documentée de la manière dont la langue et les langages ont été et sont un enjeu de pouvoir essentiel dans l’asservissement, feutré ou brutal, de populations, et partant dans les émancipations conduites ou toujours à conduire.



En examinant de près les conditions politiques et historiques de la dévalorisation des langues natives (Ch.1 : « Des langues bonnes pour chanter et faire la cuisine ? »), la pratique agressive de la scolarisation orientée (Ch. 2 : « Coloniser par l’école en français »), l’instrumentalisation du patrimoine linguistique colonial pour pérenniser une situation politique pourtant a priori caduque (Ch. 3 : « Je m’en fous la langue ! : la francophonie en Afrique ») et la pratique adroite des hiérarchisations poursuivant le travail colonial (Ch. 4 : « Standardisation linguistique : l’importation du modèle de la langue »), Cécile Canut démontre pas à pas les mécanismes de fond qui ont été mis en œuvre, consciemment dans beaucoup de cas, plus indirectement voire par inadvertance dans quelques situations, pour assurer une sujétion sociolinguistique d’autant plus forte qu’elle savait souvent être insidieuse et pseudo-rationnelle.



Cécile Canut va toutefois significativement plus loin dans son analyse historique et politique, puisqu’elle montre les montages pernicieux ayant travaillé au corps le statut écrit / oral des langues colonisées (Ch. 5 : « L’invention de l’oralité, de la tradition et le déni de contemporanéité »), composante encore tout à fait contemporaine d’une « Afrique ambiguë » qui place régulièrement les autrices et auteurs du continent et de la diaspora face à de redoutables dilemmes. C’est bien de ces dilemmes en forme de ruses de la raison qu’il s’agit de sortir, et c’est bien le sens des deux derniers chapitres de l’ouvrage (Ch. 6 : « L’expérience du langagiaire », qui décortique avec inventivité le nouchi abidjanais, et Ch. 7 : « Théorie et pratique du langagiaire », qui en esquisse les voies de généralisation). Et c’est ici également que, en un dialogue à distance imaginaire avec Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau, incarnés le temps d’une soirée d’échanges littéraires et politiques en Michael Roch et en son « Tè Mawon », toute la pertinence du travail de créolisation et d’affirmation du « Tout-Monde » à partir de son ancrage initial antillais apparaît, prenant tout son sens et sa résonance vis-à-vis de ce précieux « Provincialiser la langue ».


Lien : https://charybde2.wordpress...
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Langue

La vitalité fondatrice des autres mots contre l’ordre-de-la-langue



La langue, « Elle apparaît comme un enjeu politique majeur, impliquant la création d’organismes institutionnels chargés de préserver sa bonne tenue, et se trouve être requise à chaque fois qu’il s’agit, pour les tenants de la tradition, de mettre à l’ordre du jour le souci du « bon usage » du monde… »



Un remarque préalable, l’autrice nous montre qu’il est possible de construire une analyse rigoureuse sans les fatras encombrant trop souvent les textes universitaires. Car, faut-il le rappeler, un livre est fait pour être lu et son contenu approprié par le plus grand nombre possible. La langue utilisée, le vocabulaire et la présentation sont bien un enjeu politique, sauf à n’écrire que pour ses pairs ou à vouloir user d’une distinction pour satisfaire son ego…



« Plus qu’ailleurs, la langue en France a été érigée comme une sorte de marque de fabrique d’un esprit, d’un peuple, d’une nation, d’une histoire ou encore d’une culture ».



Cécile Canut aborde, entre autres, les représentations, la supposée identité collective, le roman national linguistique, les significations attribuées au mot même de langue, la langue parlée, le plurilinguisme, les pratiques langagières « qui conduisent à reconsidérer, pour la relativiser, la notion de langue », la nécessité de « concevoir le langage dans sa complexité, comme une praxis sociale, une activité sémiotique susceptible de subjectivation et d’émancipation »…



L’autrice analyse l’« ordre-de-la-langue », l’école et la normalisation des expressions des enfants, la notion de « faute » et non d’erreur, l’écrit comme étalon de la norme orale, l’apprentissage de « la » langue, la parole de tous les jours et la langue légitime de l’école, les manquements à la règle, « L’apprentissage de la langue se double de celui des manières de l’adapter aux circonstances, et de la mise à l’épreuve des jugements qu’occasionnent les manquements à la règle », la langue comme facteur de hiérarchisation sociale, les laissés-pour-compte de la langue, la police de la langue et la question du pouvoir, les prescriptions et la coercition, « la mise en ordre de la langue entraine sa dissociation d’avec l’acte de parler, et donc de la parole, autrement dit de l’ensemble de nos pratiques langagières quotidiennes », la multiplicité des formes de paroles (les bouillonnements de l’activité de parole) et une forme particulière « érigée politiquement à un moment donné », l’occultation de « la fonction poétique et ludique du langage », les pratiques qui s’affranchissent des « intimidations de la norme » et « le champ des libertés langagières »…



Cécile Canut dans le chapitre Une langue en monument nous rappelle que « la langue n’est pas un objet naturel ayant préexisté à sa fixation écrite », contrairement au discours du roman national linguistique. Elle discute du produit d’une longue histoire de « procédures visant à en faire un standard », de l’invention du français « à mesure que son écriture a été codifiée », de langue littéraire « symbole de la nation et du supposé « génie français » », de l’exclusion des langues régionales, du dispositif centralisateur et de la consolidation de l’« appartenance nationale », de la fixation du sens et de l’ordre des mots, de la permanence de négociations du sens, de codification « pour en faire un objet découplé des indocilités du sujet en devenir », d’actes de résistance à « un discours discriminant », de l’effacement de la construction politique de la langue « officielle », de l’expression « langue maternelle », de la langue d’Etat…



« La longue homogénéisation du français par l’élite au pouvoir s’est accompagnée d’une justification morale de sa domination ». Cécile Canut dans le chapitre Civiliser par la langue, revient sur la politique linguistique de la Révolution française, la relégation des « patois, dialectes, créoles, jargons, langues franches », la colonisation et la séparation entre langues des « nations civilisées » et les « parlers anarchiques des « indigènes » », le rejet hors de l’histoire de l’Afrique, la hiérarchisation des pratiques langagières, l’effacement des langues concurrentes, la politique « raciolinguistique ». L’autrice discute aussi des « imaginaires linguistiques », de la prolifération d’inventions langagières « en lien aux imaginaires linguistiques et aux positionnements subjectifs des locuteurs », de la parole hétérogène, de l’impossibilité d’« effacer la parole et ce qu’elle dit de notre rapport au monde »…



Les usages linguistiques actuels et la mise en ordre managériale du monde financiarisé, le conditionnement de la langue, « la langue de bois, de coton, novlangue, langue managériale, etc. », les mots inventés pour masquer les réalités sociales et les rapports de pouvoir, la suppression des mots « qui permettait de penser négativement le capitalisme », l’ordre des discours, les dynamiques de l’énonciation répétée… Et si comme le souligne l’autrice « tout discours dépend de ce que l’on appelle ses conditions de production », un certain anglais est devenu « une marque de fabrique de l’imaginaire entrepreneurial ». Cécile Canut souligne que ces discours effacent l’expressivité, « le sujet doit se muer en un être de rationalité pure, le « je » qu’il utilise est le « je » de sa place dans l’entreprise, un « je » déterminé, conquérant, gagnant », fixent un cadre rigide auquel nul·le de devrait déroger. L’ensemble des pratiques langagières sont repensées « pour un locuteur que subordonnent des visées utilitaristes », visent à imposer « un nouveau cadre d’intelligibilité du monde ». Reste cependant – irréductible même si non apparent – le « grand bonheur de la poésie du langage »…



L’autrice développe cette piste dans le chapitre Prises de parole, le jeu permanent des énoncés, les sujets « parlants actifs et toujours à même de changer les modes inintelligibilité », le dit des autres, le dit d’ailleurs, le devenir-langage, l’invention de nouveaux dispositifs « inséparables du processus de subjectivation qui fait advenir une parole politique », la résonance d’« une polyphonie langagière et politique majeure »…



Dans le dernier chapitre, Paroler, langager, langagier, Cécile Canut revient, entre autres, sur la linguistique structurale, la réduction du langage « à un système fonctionnant hors de toute société, de toute singularité, de tout désir ». Elle insiste sur l’importance de redonner leur importance « à la parole, à la voix, au corps, aux mimiques, aux soupirs, aux rires, aux silences, etc. », de renouer avec des verbes anciens, d’inventer et de créer, d’« ouvrir les possibles de la poésie quotidienne des vies minuscules et qui n’en sont pas moins belles », de ne pas réduire « l’indécision et l’imperceptibilité des voix qui nous traversent et font que nous sommes toujours parlés par l’autre »…



Je regrette que le sexe de langue, sa masculinisation historique et politique ne soit pas abordée.




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Langue

Un petit livre au format étrange et beau qui présente une vue générale de l'instrumentalisation politique de la langue au cours du temps. Complet et facile à lire, c'est une introduction au sujet réussie ! Je recommande fortement. Sans aucun doute, je lirai d'autres ouvrages de la même collection.
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Carnet de route d'un voyageur en Afrique de..

Ce livre documentaire, richement illustré de photographies, explore le voyage et la migration des populations d'Afrique de l'Ouest à travers leurs langues. La richesse des expressions langagières témoigne des multiples formes, motifs et expériences des déplacements qui se passent plus souvent entre pays frontaliers, qu'en dehors du continent.
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Langue

Sous la forme d’un essai, Cécile Canut réfléchit et dénonce des théories philosophiques, linguistiques et sociolinguistiques, ainsi que différents courants de pensées qui contribuent à faire de la langue une partie de l’identité d’un individu ou d’une nation. Tout cela met en relief la valeur politique de la langue au présent et remet en question l’idée que la langue constitue un élément identitaire.



J’ai bien aimé la façon, toujours argumentée, d’expliquer ses idées. Ce un petit ouvrage qui nous interpelle, qui nous invite à nous questionner par rapport aux liens entre parole et discours, mais également sur la « térritorialisation » des langues et les répercussions de l’ethnicité sur la valeur d’une langue. C’est un livre qui introduit à la perfection le sujet, facile à lire… je dirais même pour les débutants. Mais c’est vrai qu’en tant que philologue, en tant que linguiste, c’est un livre que j’ai vraiment apprécié.



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