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Citation de Wyoming


Il y avait d'abord l'immense rectangle du jardin des Tuileries, dont ils ne distinguaient plus ni les allées ni les bosquets, seulement l'étendue sablonneuse à travers les branches dénudées des marronniers, toute sa canopée disparue sous la herse du général Hiver. Demeuraient seuls perceptibles ses vastes contours, délimités par le fleuve invisible, et l'harmonieuse enfilade d'arcades parallèle à la terrasse des Feuillants d'où Fronsac et la fille en noir apercevaient simultanément la masse sombre du musée d'Orsay, l'or bruni du dôme des Invalides dialoguant avec celui du pyramidion couronnant l'obélisque de Louxor et, plus à l'ouest, comme dans l'arrière-plan d'un tableau, les scintillements argentés de la tour Eiffel.
De ce somptueux paysage urbain qui déployait dans ses axes et ses perspectives une théorie de vestiges monarchiques et révolutionnaires, de ce panorama désormais immuable dans lequel surnageaient, pour qui savait les lire, tant d'événements, tant de signes et de symboles, tant de destructions et de reconstructions sorties du tumulte de l'Histoire, se dégageait pourtant une harmonie, une unité, qui est comme la poésie de l'ordre. Accolée à ce qu'il y a de plus français dans Paris, cette concordance résumait bien le génie national, mélange de principes et d'idées claires culminant dans la mathématique incisive de ses constitutions comme de ses grands livres souverains qui, à l'instar de ceux de Laclos et Stendhal, n'ont rien de bourgeois.
Ce plaisir des yeux conducteur d'un plaisir de tête les plongeait dans une rêverie dont toute la douceur était d'être flottante. Fermées à cette heure, les laides échoppes à camelote de souvenirs avaient de nouveau laissé place à la pureté des lignes architecturales sur lesquelles leurs regards erraient. Un charme aristocratique enveloppait ce décor tandis qu'ils croisaient, le long du sol en pierre dure de cette rue percée sous le premier Empire qui portait le nom d'une victoire napoléonienne, une plaque signalant un ancien logis de Vauban, une rue du 29 juillet rappelant la révolution de 1830, et d'autres traces qui ne disaient plus rien aux français mordus d'amnésie.
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