Comment s’appelle cet endroit ? demanda Ève.
— C’est A Tola di u Turmentu, la table des Sacrifices, répondis-je avec une voix d’outre-tombe. Valérie serait là, elle te ferait l’article du lieu : c’est un complexe funéraire mégalithique construit entre 4000 et 2000 ans avant notre ère, récitai-je en imitant la voix haut perchée de ma meilleure amie.
Le dolmen était très bas et, après avoir écarté une ronce qui s’accrochait à mon visage, je me baissai pour pénétrer entre les piliers en riant. (...)
La sensation de vertige que je ressentis, une fois à l’intérieur du dolmen, ne me fit pas rire du tout.
Mon corps se paralysa et je ne pus même plus respirer. Un étau se resserra autour de moi et je me sentis aspirée par un trou noir. La clarté du jour, la pierre, tout disparut en un éclair et je me retrouvai enfermée dans une sorte de grotte sombre. Ça sentait l’humidité et la putréfaction. Une brume noirâtre s’enroula autour de mes jambes et la peur me serra la gorge.
(...) je remarquai une mosaïque représentant un oiseau blanc incrustée dans le mur près de la porte d’entrée. David posa nos valises et vint me murmurer à l’oreille.
— C’est un pélican et ses petits.
— Un pélican ? C’est un oiseau qu’on trouve en Corse ?
— C’est le symbole de notre famille. Notre totem, si tu préfères.
— Que signifie cette phrase ? demandai-je en posant mon doigt sur le texte tracé sous le dessin. Sic his quos diligo. C’est du Corse ?
— Non, ma belle ! C’est du latin. Ça signifie : Ainsi je fais pour ceux que j’aime. Regarde, ce pélican se blesse pour nourrir ses petits de son sang. Ça symbolise le sacrifice que nous sommes prêts à faire pour notre Élue, pour nos enfants, nos parents. Tout donner pour assurer le bien-être de l’autre.