Tantôt terre, tantôt frontière, elle n'indique aucune position, aucune localisation géographique précise.
Elle fluctue, libère ses contours, trace des lignes de partage dans les sables mouvants.
Aucune propriété, sinon celle de tous les éléments chimiques dont elle réalise la synthèse.
Elle sait peu de lui: il la hurle, elle n'en est que l'écho, le prlongement.
Elle incarne son excès.
Son langage.
Face aux infinis, elle creuse le vers. Elle le creuse, elle le creuse, en prolonge encore l'écho, elle y fore un puits, puis sa tombe.
Et elle rejailli en lui, incandescente, et jetant le poème par-dessus bord.
Depuis le temps, en elle, tout est si naturellement désencombré qu'un jour il ne lui restera que cette gravité d'hélium, cette matière plus ardente que les mots.
Seulement à ce moment, on pourra dire sans mentir qu'elle est là.
D'ici là, elle s'occupe, elle passe le temps à tabac, elle en fait des fumerolles.
SOUS DIALYSES
Un désir la reconquiert, toujours quand elle s’y attend le moins, en un territoire vespéral, dans ses flancs nus, où le mot ‘à pas de loup ’se transforme réellement en pas de loups.
Il s’organise en elle, par louvoiements.
Elle sait peu de lui et pourtant, il la hurle.
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Elle découd chacune des vertèbres de son épine dorsale, mène le dénuement
De sa nuque, de sa trachée, de son fémur.
Les érige en une nouvelle nudité de colonnes.
L’ancre en un sol, et se regarde grandir.
Toujours se déshabille-t-elle, et mue.
Elle se désadhère.
D’exfoliations en exfoliations, elle passe le doigt le long de sa moelle épinière et sent palpiter tous les mondes qui y fourmillent.
CHANVRES et LIERRE
Ulysse est seul, au milieu de rien.
Il s’assied et traverse des étendues comme s’il était des leurs. Etendues en mirage. Reflets champêtres et boisés, plaines volcaniques, colonnes de sel et d’écume, mousses de nuages.
Il plante le décor.
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Une voix ; une voix monte soudain comme la mer.
Une voix gonfle les poumons d’Ulysse comme des voiles. Pas un rire, pas un râle, pas un air.
Une voix d’étrave.
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L’aurore plante le décor, dévoile son large ciel d’hiver, en étendues gelées, nappées de neige.
Sur le rivage sans leurres, Ulysse vient à Pénélope.
Sans vaines descriptions, en se taisant, leurs yeux se disent le pouls et se tâtent la chair.
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Que dans la bouche des hurleurs et des concierges en soutane ne s’engouffre aucune rumeur.
Ou que sur les deux amants par Circé liés se déverse la boue, en flots de soleil et de neige.
Soif d'Ulysse d'embrasser le ventre de l'océan.
(p. 26)
Une ample voix océanique afflue, par brassées.
Cire dans les oreilles, chant des Sirènes dans son corps : un désir.
(p.25)