Elle veut vous parler de son corps. De cette brûlure géante qu’est ce corps qu’elle trimballe. Elle veut vous parler des palpitations immenses, des griffures du chat sur la peau, de la morsure du froid. Elle veut vous parler de l’aiguille du tatoueur qui dessine d’abord un échauffement sur la peau, puis une ligne qui donne vie à ses images mentales. Elle veut vous parler de son corps, du frisson tout entier qui le parcourt. Du corps qui fait peur. Elle veut vous dire qu’elle ne sera jamais une grande personne et comment elle l’a compris à douze ans, lors d’un repas de famille. Elle ne veut pas devenir, ça ne rime à rien. Surtout pas cet « écrivain de la famille » qu’un auteur se moquera qu’elle veuille un jour être.
J’aurais pu être un bon macaron, bien rond, petit et souriant, coloré et appétissant. Un macaron de pâtissier exposé dans les vitrines des Champs-Elysées. Pour ça, j’aurai été convoité par les papilles émoustillées des passants. J’aurais voulu être un macaron à la violette pour surprendre par mon goût fort, pertinent, sucré et j’aurai été assez cher pour être mangé avec soin, délicatesse, dégusté du bout des lèvres, ravivant le palais et conquérant avec douceur la bouche du fin gourmet. Le commis m’aurait placé dans un écrin doré pour auréoler ma beauté déjà acquise d’un ornement qui fait le luxe. Une lumière délicate aurait caressé ma croûte croustillante, une température ambiante aurait préservé mon moelleux intérieur. Je serais né de la tête d’un chef pâtissier passionné, qui des heures durant, tel un écrivain sur sa table de travail raturant sa feuille, aurait testé, fabriqué, recommencé jusqu’à atteindre la note juste, l’équilibre parfait entre la coquille croustillante et l’intérieur ravissant, la touche exacte de violette, le degré parfait de sucre. Juste ce qu’il faut pour croquer, deviner et sourire. Mais je ne suis rien de tout cela, je suis un petit macaron de rien du tout perdu au milieu de mes semblables et rangé maladroitement dans une boîte. J’ai été créé pour être congelé, ma saveur s’envole, les désirs aussi. Je suis avalé en vitesse avec un café. Je ne suis qu’un parmi les autres, engrossé de sucre, surprotégé de conservateur, suralimenté en colorant. Ma couleur ne doit rien à la nature. Et pourtant, seul au milieu des autres, la main éphémère m’attrape et déjà, gelé, je me réchauffe au contact de la paume. C’est le fruit du hasard, une rencontre fortuite entre une bouche pressée et un macaron malhabile.