Chris Abani

Du pied, Elvis esquissa des dessins sur la terre craquelée et desséchée. Il y a un message quelque part là-dedans, se dit-il, une raison à ce chaos. Mais il avait beau chercher désespérément, il lui semblait toujours que le sens lui échappait et le narguait.

Je vais te dire comment la Banque mondiale nous aide. Disons qu'ils nous proposent un prêt de dix millions de dollars pour créer des réserves d'eau potable et propre dans les zones reculées. Si on accepte, voilà comment ils nous tiennent : d'abord, ils nous disent que nous devons utiliser l'expertise de leurs consultants; alors ils enlèvent deux millions pour payer leurs salaires et leurs dépenses. Puis ils nous disent que les consultants ont besoin de matériel pour travailler, des ordinateurs, des jeeps et des caterpillars, et aussi pour l'hôtel, etc. ; et ils prennent encore deux autres millions. Puis ils disent que nous ne pouvons pas effectuer de nouveaux forages mais qu'on doit réparer les puits existants; et ils prennent encore deux millions pour acheter du matériel. Tout cet argent, les six millions, ne va jamais quitter les Etats-Unis. Ensuite ils dépensent deux millions pour réaliser le projet, mais comme ce n'est pas assez, ils abandonnent, et les chefs de l'armée empochent les deux millions qui restent. Maintenant, c'est nous - toi, moi et tous les pauvres gens - qui devons dix millions de dollars à la Banque mondiale pour rien du tout.