Chris Petit

En mai et juin 1945, l'Allemagne était un paysage ensorcelé: des zones entières de campagne épargnées par les bombardements, des villages de cartes postales avec des maisons à colombages fleuries où, bien sûr, on ne trouvait plus un seul nazi, pas même l'instituteur à la lèvre supérieure pålie par le rasage d'une moustache à la Hitler. Comme les autres, il prétendait avoir attendu la libération. Toute la panoplie du Troisième Reich croix gammées, noms de rues nazis, portraits du Führer avait disparu comme par miracle, décrochée pendant la nuit, telles les décorations d'une grande fête qui aurait tourné court, laissant tout étrangement dénudé. Comme la lèvre de l'instituteur. D'une douzaine d'années de hiérarchie, de propagande et de ce que ma fille Naomi, avec sa formation littéraire, nommerait « iconographie », il ne restait rien.