Ce fut quand Ophélie s'assit devant son assiette qu'elle prit conscience de la présence de Thorn, attablé en face d'elle. Il s'était tellement fondu dans la pénombre ambiante, qu'elle ne l'avait pas remarqué. Il était méconnaissable.
Sa crinière, courte et pâle, ne batifolait plus comme de la mauvaise herbe. Il avait rasé la barbe qui lui mangeait les joues, de telle façon qu'il n'en restait qu'un bouc taillé en forme d'ancre. La grossière pelisse de voyage avait cédé la place à un étroit veston bleu nuit à haut col, d’où s'évadaient les manches amples d'une chemise impeccablement blanche. Ces habits raidissaient plus encore son grand corps maigre, mais ainsi Thorn ressemblait plus à un gentilhomme qu'à un animal sauvage. La chaîne de sa montre à gousset et ses boutons de manchette accrochaient la lumière des chandelles.