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Citation de Andromeda06


Elle eut peur de ce regard douloureux qu'il lui adressa, imagina les pires tourments, les privations, le froid, la mort qui rôde, sans se douter qu'elle était bien en deçà de la vérité. Il demeura silencieux, réfugié dans une sorte d'hostilité qu'elle ne comprit pas et qui lui fit mal. Mais comment eût-il pu dire ce qu'il avait enduré ? Comment raconter les wagons à bestiaux qui l'avaient amené aux frontières, la découverte de la mitraille et des obus, les premiers morts à côté de lui, puis la retraite à longues marches forcées vers Château-Thierry, les noirs taxis qui arrivaient sur la Marne pareils à une colonne de gigantesques fourmis, le début de la contre-attaque française, les plaines aux meules blondes entre les canons, les tranchées, enfin, où il restait trois semaines avant de revenir à la roulante, en réserve, étonné d'être vivant quand ses camarades étaient tombés un à un. Comment expliquer qu'il ne devrait pas être là, mais dans la terre de Champagne, immobile et muet pour toujours ? Comment lui faire entendre le sifflement et l'explosion des obus, le « moulin à café » des mitrailleuses, les plaintes des agonisants, le souffle des mines et des grenades, les couinements des rats écrasés par les pieds ? Étaient-ce là des maux compréhensibles pour une femme comme Philo ? Non ! il s'agissait d'un monde indicible, d'un monde fou, que nul, à l'arrière, ne pourrait jamais imaginer.
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