nous peignons les géographies lumineuses
de ces voyages que nous faisons avec le doigt
les frontières du monde tracées
sur les vitres sales d’un vieux train crevé
en plein champ loin de la gare
où d’autres voyageurs se pressent encore
nous marchons derrière
tous ceux que nous avons été
le cœur se remet à compter
d’abord les heures puis les promesses
la suite nous obsède chaque seconde
ralentit nos pas dans les montées
connaîtrons-nous d’autres patiences?
un autre lieu que le jardin
pour différer nos chutes?
jour incisif où l’on serre de près
quelques vieux astres hors d’usage
nous gravitons autour d’un univers
surpeuplé par nos paroles
quand il s’agit de l’amour
voilà que nous nous taisons
comme si le seul fait de souffler
sur ce mot déchargeait des tempêtes
nous n’avons que nos regards
qui blessent tout ce qu’ils touchent
Il s'agissait d'être là, vivante et inutile, les pieds dans le verre doux, de se fondre dans les textures, les odeurs, la lumière d'aout, il s'agissait de n'être ni rien ni personne, de ne plus attendre que quelque chose advienne. Il s'agissait de vivre.
ne rien deviner
sinon les caresses décimées
la date périmée des émois
nos maladresses maladives
tout ce que la vie en fuite
met à notre disposition
et que nous ne sommes jamais fichus
d’attraper au passage
mes messages ne se rappellent pas leur nom
mais qu’importe à trois heures du matin
on n’a plus besoin de connaître
on a juste besoin de voir la couleur des yeux
qui porteront le rêve jusqu’au sommeil
Que gagne-t-on ou que perd-on à la fin d'un livre? La littérature ne t'auras pas appris à vivre - seulement à nommer le réel avec des mots qui ne contiennent que quatre couleurs. p.144
un matin comme les autres
avec ses repères maladroits
ses sourires ses miracles
avec la horde des pleurs et des mensonges
le bonheur est une si petite chose
un matin sans foi
tremble dans la lumière
nous levons la main sur lui
nous avons acheté des montres
à nos poignets soudain
le poids insensé du monde
nos regards se sont durcis
nous commençons à durer
les mots se plaquent sur mes lèvres
forcent une parole qui n’est pas la mienne
combien de personnages rugissent
dans le creux de cette histoire insensée
que dire de la fragilité entre mes bras
je reconnais les traces convenues de la réalité
les gémissements les douleurs
l’apocalypse dans les poitrines
Mais avant, je veux un dernier geste, une dernière caresse. Je veux qu'elle pose ses doigts sur mon front. Juste sa main sur mon front, un instant. Pour qu'après son départ, bien après son départ et celui de toutes les autres qui la suivront, quand j'aurai connu tous les débuts et provoqué toutes les fins, quand je serai rendu au bout de mes horloges, quand j'aurai cassé mes miroirs et déchiré ma mémoire, le souvenir précis de sa mains doucement posé sur mon front m'enlève ma peur du vide et des étoiles. p.28
sur la plage
les traces confondues des pas
se taisent
au loin l’appel des vagues
impose son secret
rien d’autre qu’une sterne
sa vie foudroyante
jetée à la mer