Christine Casuso

Il baissa respectueusement la tête et s’adressa à Lui d’une voix haute et intelligible.
- Tout se passe selon votre volonté. Zoé est dans la chambre insonorisée. Elle est en forme, belle comme dans vos souvenirs.
Il attendit là un moment. N’obtenant que le silence, il pensa que c’était bon signe. Il leva la tête pour être certain de pouvoir se retirer. Ce qu’il fit en effectuant moult courbettes.

Je tirai sur mes chaînes comme une forcenée. Avais-je vraiment l'espoir que l'ouvrage de mon kidnappeur cède sous mes efforts ridicules ? Mon désespoir sombrait dans un puit sans fond.

Ce genre d’instant faisait partie d’une parenthèse dans une vie qui pouvait néanmoins vous remettre sur les rails. Un échange qui donnait de l’espoir, une bouée de sauvetage, une aide providentielle qui ne demandait rien en retour. Ambre sourit, elle venait de faire sa BA et cela lui avait fait un bien fou. Elle réalisa qu’elle se laissait polluer par des choses qui importaient peu.

Des fourmillements lui remontèrent le long de la colonne vertébrale, pour s’arrêter au niveau de la nuque, tel un courant électrique. Son instinct de journaliste ne la trompait pas. Elle fouilla du regard les alentours. Quelque chose avait titillé son attention, mais pour le moment ses neurones et ses synapses ne se trouvaient pas en phase.

Clairement, son regard indiquait qu’elle en connaissait autant qu’eux sur le dossier, voire plus. Roussas lui demanda pourtant de faire profil bas. Cependant, elle n’était pas très bonne comédienne. Elle se concentra autant que possible sur le nouvel assassinat d’un soldat du nom de Maxime Ravier. Ambre eut du mal à fixer son attention.

Le scoop du siècle vous reviendra, du moins si personne ne l’ouvre. Rien ne doit fuiter d’ici avant que l’on ait arrêté notre tueur en série. Ambre fit signe qu’elle avait bien compris le message. La séance de briefing terminée, tous se remirent à la tâche.

N’allumez surtout pas le brasier. Pour l’instant, les scribouillards ne nous emmerdent pas, alors par pitié, ne leur donnez pas du grain à moudre. Par chance, pour le moment, personne n’a fait la relation entre nos victimes et j’aimerais que ça reste ainsi jusqu’au bout.

Indéniablement, certains plus coriaces que d’autres avaient tenté de ronger l’os, mais le communicant de la PJ avait distillé assez d’informations, sans pour autant dévoiler le principal, pour calmer les plus affamés d’entre eux. Les mouvements sociaux qui secouaient le pays avaient eu vite fait de remplir les colonnes, substituant le sordide par de l’actualité fraîche et croustillante. Les journaux en firent leur gorge chaude, ce qui arrangeait bien la police. Ces derniers jours, il y avait plus savoureux à raconter dans les quotidiens. Plusieurs personnes perdirent la vie sur les barrages. Le sensationnel remplaçait malheureusement l’atrocité et l’indicible des assassinats.

Raphaël attendit quelques minutes que sa femme soit plongée dans les réseaux sociaux. Habituellement, le temps qu’elle babille avec ses amis réels ou virtuels, avec les mordus de thrillers, ainsi qu’avec les membres de thrillers et vous, qu’elle réponde aux mails et qu’elle consulte l’actualité de ses contacts, elle en avait pour au moins deux heures.

Il y a bien eu des cas de journalistes qui créaient des scénarios de toutes pièces pour avoir LE scoop, mais, de là à tuer, c’est tiré par les cheveux.

Nous faisons notre travail, rien de plus. Si nous fermions une porte sans vérifier, nous serions accusés de manquements et de ne pas faire notre boulot. Nos recherches se portent plutôt sur ceux qui ont été renvoyés à la suite du scandale qui a éclaté après vos révélations.

La jeune femme scruta le détective. Il soutint son vis-à-vis. Elle eut du mal à ne pas baisser les yeux. Les prunelles de Massat s’étiraient en amande telles celles d’un chat siamois. Elle fut déroutée par leur nuance mordorée, une teinte peu commune. Son regard fixe et perçant la mit mal à l’aise. Même ses cheveux dorés comme le miel ne suffisaient pas à adoucir son air glaçant.

Elle savait qu’elle avait l’appui de Chloé et tout son soutien. Cette dernière possédait en outre de grandes qualités, la fidélité et la loyauté. Elle pouvait aussi rajouter la discrétion. La jeune femme était une vraie tombe. Elle gardait les cachotteries mieux que personne.

Si tu as besoin que je fouille pour me renseigner sur une ou deux personnes, tu n’hésites pas. Tu sais que j’ai de bonnes relations et que je peux avoir le bras long. De plus, ma position est idéale. Les gens ne se méfient pas de moi. Ils pensent que j’écris un article pour ma revue et ils s’ouvrent comme une huître.

Pour l’user psychologiquement, il agirait par petites touches. Des choses insignifiantes, mais à la longue, elles l’épuiseraient. Il se sentirait traqué, persécuté. Ludovic continuerait jusqu’à ce que son supérieur craque. Il savait pouvoir compter sur l’aide de Justina pour y parvenir.

Même si Raphaël se maudissait de mentir à sa femme, il laissa ses sentiments de côté et savoura ces instants privilégiés avec elle. Ambre avait prévu de passer l’après-midi avec son amie Chloé. Raphaël en profita pour aller se promener.

À maintes reprises, il avait flirté avec l’illégalité. Les concours ne furent pas son seul moyen de monter les échelons. Les plus anciens de son équipe avaient pu constater ses méthodes peu orthodoxes et l'avaient vu à l’œuvre avec les malfrats et les petites frappes. Il ne jouait pas le rôle du méchant,il l'était réellement.

La discussion lui parut animée. Les mains s’agitaient, les corps parlaient pour eux. Elle n’avait pas besoin de les entendre pour comprendre que l’échange était houleux. Du reste, le ton était monté. Ambre pouvait attraper quelques bribes de mots. Toutefois, pas assez pour connaître la teneur de la conversation. Elle les laissa à leur dispute et retourna d’où elle venait, car elle avait oublié de récupérer son rapport.

Comme un mauvais présage, de gros nuages blancs se chargèrent à vue d’œil de pluie. Ils devinrent en quelques secondes aussi noirs que du charbon. Le ciel prit la teinte de l’orage imminent qui ne tarderait pas à s’abattre sur le Var. Les conspirateurs se séparèrent pour rentrer dans leurs pénates.

Un soldat tue pour sauver sa vie sur le front ou éliminer l’ennemi, certainement pas pour assassiner des innocents, pas sciemment. En tout cas, il ne dézingue pas pour garder son poste, il tire uniquement pour préserver son cul !