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Citations de Claude Vigée (118)


LA VALLÉE DES OSSEMENTS

LA CLEF DE L’ORIGINE


Comment réconcilierons-nous les tronçons d'une vie
 écartelée
Entre le passé mort et l'agonie sans terme de l'avenir ?
Pour la lune cachée du septième mois la corne annon-
 ciatrice
Sonne trois fois trente et dix fois et c'est toujours l'unique
Appel qui réveille dans l'abîme le feu de la merci suprême :

« RA'HAMIM RA'HAMIM RA'HAMIM »*

Pour la gloire du royaume
Pour la fidélité du souvenir
Pour l'humilité de l'observance

Prier
C’est écouter
La corne du silence.

Je reviens d’Amérique
Leur rendre visite comme autrefois au début du printemps
J’allais vers eux depuis l’Amérique autrement lointaine de
 l’enfance
C’est pour leur signifier qu’entre nous le pacte n’est
 point rompu
Que nous sommes toujours en relations charnelles
En dépit des difficultés internationales
Et du prix montant des moyens de transport transatlan-
 tiques.
Nous sommes demeurés en contact de monde mort à
 monde mort
Et nous n’entreprenons rien sans consultations réciproques
Dans la grande cité souterraine
De la paix qui nous unit depuis l’origine….

p.68

* Pitié. Ce mot est le pluriel de re 'hem, qui signifie « matrice »

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L'AMANDIER SOUS LA NEIGE

à Hélène Péras,

Dans chaque poème accompli, la chose importante, c'est la pulsation secrète qui s'y cache tout en s'y révélant.

Je retrouve ainsi l'image de l'amandier de Jérusalem, qui fleurit en hivers, dès la fin du mois de janvier. Comme il s'épanouit sous la neige, on ne le voit pas distinctement. C'est un amandier de neige. Dissimulé sous son lourd manteau de givre, on devine tout de même la présence du rouge-gorge. C'est presque toujours l'hiver, dans nos existences difficiles. Au tréfonds de cet hiver pour qui sait l'écouter un instant, chante le rouge-gorge perché entre les fleurs blanches, dans l'amandier invisible. Il chante tout seul pour la grande nuit muette qui l'engloutit, sous le ciel étranger.
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CHANSON DE L’OISELEUR


Sauvage oiseleur, chante et ris,
tu bois le sang du paradis.

Tes faucons chassent la perdrix,
le geai, la grive et le courlis —
Cruel oiseleur, chante et ris,
de chair d’anges tu les nourris,

Subtil oiseleur, chante et ris,
comme le voleur tu m’as surpris ;
sombre oiseleur, va-t’en d’ici
tu veux le cœur et l’âme aussi.

Va-t’en d’ici, sombre oiseleur,
avec tes faucons de malheur.

Ils ont saigné grèbe et courlis,
surpris les merles sur les nids :
ils m’ont ravi mon clair souci
saigné le cœur et l’âme aussi.

Va-t’en d’ici, bel oiseleur,
je reste seul dans ma douleur.

p.105
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DÉLIVRANCE DU SOUFFLE
NOYAU PULSANT


Noyaux pulsants
soubresauts du désir –
feu et nuit sont la trace
qui charrie le torrent du cri enseveli.

Montagne rousse de Judée, immense ruche
où s'accomplit l'osmose !
Les alvéoles gonflés de miel
s'échangent dans le placenta sonore de la terre.

Mordue à pleines dents la géode lactée,
descellée et brisée – avec quelle terreur –
la sphère close de la caverne première :
comment
arracher les noyaux de quartz doré
où demeure l'antique lumière ?

Dîme de la nuit verte,
prémices nées de plus haut que le ciel :
dans un commencement
l'éclair tomba
nu sur les vagues du calcaire en fusion.
Les croissants de sel gemme
ont cuit sous haute pression
dans les fours rouges des collines de Jérusalem....

p.166
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DÉLIVRANCE DU SOUFFLE
NOYAU PULSANT


Seul est vrai le lieu nu
arraché maintenant
au buisson sanglant de ma bouche.

Pour ériger mon cri de pierre
devant le sanctuaire
de la montagne incendiée
je dérobe à l'abîme une Terre qui danse.

Toi, mon fils, tu retrouveras un soir d'arrière-fête
le seuil engendré aujourd'hui dans une gorge brûlée
si tu retournes, en riant, vers l'amont de cette parole
dans la ville d'été qu'illumine le visage des météores.

p.165
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LE TOMBEAU DE SUPERVIELLE


Toi que masque la nuit de son gant de velours,
Dans l'étroit labyrinthe avances-tu toujours,
Pèlerin du réel, forçant les portes closes
Avec tes longues mains qui cherchent les étoiles ?
Vers qui tâtonnes-tu dans le mauvais brouillard
Où se perd ton immense et fragile personne ?

p.118
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La poésie pouvait me permettre de mener ce combat – la poésie, mais pas la philosophie.
L’œuvre philosophique, ou même scientifique, comporte sa propre clôture. Une fois qu’on l’a pensée, elle se referme. Par contre, il faut penser la poésie sans arrêt
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Pour cueillir le jeune houblon
Tire un peu sur le cône blond
Sans le détacher de sa tige :
Si tu n’as point la touche exquise,
Ne pose pas ta lourde griffe
Sur son joli bourgeon.
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L’eau des sombres abysses


Evy, si tu m’entends encore là-bas, où tu n’es plus,
sache que tout me manque de toi, ton corps, tes yeux, ta voix
  et ta vive présence,
mais sache aussi que je tente de faire ce que tu m’avais dit
quelques semaines à peine avant de t’en aller dans le noir :
« Quand je serai partie, tu finiras ton livre,
tu en commenceras d’autres, si Dieu t’en donnes envie,
car du puits secret de la vie jaillit la neuve poésie,
et souvent répond le génie à l’appel muet du destin.
Si je l’entends là-bas, j’en aurai du plaisir ;
mais quand viendra l’instant de glisser dans la nuit,
laisse-moi doucement, sans cris, sans mots, partir :
chacun de nous doit boire seul l’eau des sombres abysses. »

                                      30 juin 2007
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Soleils…


Soleils
      fils d’une angoisse
                     héritier de ma peur,
malgré l’étouffement
                   la nuit
                         et la sueur
et la barre d’acier broyant le cœur de l’homme,
l’annonce du feu futur portera encore
demain
une parole simple
un bref mot d’ordre :
le cri de la lumière enceinte jusqu’aux lèvres
‒ pour nous mettre en chemin vers nulle part,
chacun seul avec tous sur les sables mouvants,
à la quête du souffle errant de l’origine
dont le poème
              ici
                 un instant sculpte
                   cette double rumeur :

front cendreux de la terre
obscure, désolée,
ou
   visage éclairant de la fête étoilée.
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Entre la terre obscure…


Entre la terre obscure
et la haute clarté
du ciel,

le silence du bel été
de chaque côté se balance :

une seule abeille capture
le miel
de leur double murmure
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LA VALLÉE DES OSSEMENTS

LA CLEF DE L’ORIGINE


Celui qu'a terrassé la violence
N'est-il pas retranché pour toujours de lui-même ?
Pèlerin du soleil aux trousses de son ombre,
Renaîtra-t-il, errant combien d'années encore,
Cherchant la vérité dans une place étrange ?

Prier
C'est écouter
Aux portes du silence.

Je franchis le seuil du cimetière de campagne juif en
 Basse-Alsace
Où j'allais tout enfant avec mon père dans les averses
 de mars
Après l'hiver impénétrable et le brouillard d'école
Poser des graviers blancs
Sur l'arête des hautes stèles grises rongées de givre….

p.66
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DÉLIVRANCE DU SOUFFLE
NOYAU PULSANT


Ma langue est le couteau
qui dégage la stèle.
Sur mes lèvres ouvertes
gîte le vers luisant :
le feu caché
entre les dents
je scie la face
encore opaque
de la présence
‒ moi, le serviteur d'un surgir irrépressible :
c'est un étalon noir,
du plus loin de l'enfance
il s'annonce en moi comme un hennir sans mesure,
complice de la joie
qui vient plus tôt
que la figure.
Mon haleine lui sculpte un visage précaire,
couleur d'argile mûre
que l'arc-en-ciel éclaire.
Mais noire en vérité
            parut la grâce
                       à l'origine.

p.167
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LE TOMBEAU DE SUPERVIELLE


Passager clandestin qui sifflais dans les voiles,
Joueras-tu dans le noir à ton colin-maillard ?
Tu fus Prince du doute et des métamorphoses :
N'en as-tu pas fini de l'éluder toi-même ?
Tendre cœur obstiné, tu battis pour la mort.
À lui parler tout bas, tu désarmais sa haine ;
Et tu conquis ainsi, de semaine en semaine,
Un verger au soleil sur son profond domaine.
Élevant jusqu'aux fruits la sève souterraine,
Tu ravis au silence une parole claire :
Mais le chant délivré se refuse à la terre.

p.118
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À BOUT DE SOUFFLE RIT L'EXTASE


V

Persiste une faible pulsation de lumière verte
égarée dans la neige, comme une trace où s'allument
la joie et la détresse qui peuplent cette vie unique.
Au détour du chemin, Partout, nous guettons le chaos :
mais jamais nous ne serons de sa compagnie.
dans notre fragilité extrême, l'ultime don du corps,
nous appartenons encore au souffle qui le survole,
à la lueur naïve qui, d'esprit, le couronne.
Jusqu'à sans fin nous resterons, vieux jardiniers de
 l'avenir,
fidèles à la rose blanche qui empourpre nos nuits.
                                      (février 2004)

p.250

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LE DEFI DU POÈTE


Chus dans le puits creusé sous les mines d'or pur du
 ciel,
nous revêtons au monde une tunique rouge
tissée avec la glaise opaque de l'oubli.

Si le cœur aimant parle au cœur
il n'a nul besoin d'une bouche :
l'oreille ouverte lui suffit.

Comme un noyau de feu pulsant dans l'ombre verte,
j'écoute rire encore au plus vif de ma chair
la source rayonnante et noire de tous les moi.

Qu'est donc lire un poème ? C'est voir danser ma voix
pour entendre tes yeux chanter avant les mots
en miettes d'autrefois, dans nos lettres muettes.

Par le chant nous brisons l'amère nuit d'attente :
mais il sera toujours temps de nous taire
quand nos bouches béantes seront bourrées de terre.

Lorsque Satan déchu rêve d'amour au bagne,
il joue à qui perd gagne son âme d'ange triste
que brûle, en la glaçant, le feu de l'améthyste.

« Qui me détruit, sinon autrui ?
Je ne suis qu'un vieux clown rieur,
trop plein de pleurs à l'intérieur.

Mon esprit souterrain, en quête de l'éveil,
dans l'épaisseur sourde du roc
souffre et creuse sa nuit ».

p.244-245

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Claude Vigée
À l’heure de ta mort
qui est toujours maintenant,
tu désires peut-être
te tourner comme l’hélianthe
vers la lumière au petit jour
dans le jardin d’Éden :

mais à bonne distance du soleil,
en te gardant toi-même,
sans jamais oublier ta pesanteur natale,
ni l’horizon compact de l’univers créé.

Aux fleurs du paradis tu préfères peut-être
l’effacement de ton existence charnelle,
l’effondrement immédiat de ta personne et du monde
dans la nuit du tréfonds, le ventre originel,

souhaitant ton retour au néant intérieur,
dans le cœur obscur du soleil, hors de l’heure mortelle.
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Claude Vigée
Jamais plus


« Douce est la lumière, et les yeux se délectent de voir le soleil. »
Ecclésiaste, XI, 7

Voilà plus de sept mois qu’Évy s’est éclipsée. Elle s’est glissée toute nue hors de frontières de notre monde ancien, absentée pour longtemps de la demeure close d’ici et de maintenant. Le mal d’être avec elle sans elle s’est creusé sournoisement un puits d’ombre dans mon corps. Déjà il se tait plus qu’à moitié : il fait la taupe en moi.
Allons, pour t’occuper gentiment chaque matin au réveil tu auras beau dire et faire, questionner, écouter, écrire, regarder partout autour de toi. Où que tu ailles dans ce monde-ci, où que tu t’arrêtes pour fuir, pour explorer, pour oublier le présent, même si tu es en train de dormir ou de rêver les yeux ouverts, jamais plus, jamais plus il n’y aura d’Evy.
Pour toi, comme pour elle, être ici, tête contre tête, c’est fini. Nous ne rirons plus ensemble une seule fois au lit, tous les deux. Mais moi, je veille seul avec le soleil du soir qui incendie le parquet et rampe au bas des murs, en cette longue soirée de fin d’été complice de tous les songes, dans cet appartement parisien soudain devenu suspect, presque trop familier, qui se fait chaque jour plus vide et plus silencieux.
Évy, ce n’est pas seulement toi que je pleure encore ce soir dans mon coin muet de Paris. C’est toute la vie que je pleure, cette vie qui s’en est allée avec toi et ne reviendra plus vers moi. Reste là un vieil homme désolé, qui écoute en ce moment le quintette pour clarinette tardif de Brahms pour traverser la nuit : le chant de ton absence, le clair et merveilleux appel en mineur de la lumière qui s’abîme si doucement dans le noir.

(25 août 2007, vers minuit)
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Claude Vigée
La jetée déserte


Revu ce soir à Trouville, au soleil couchant, sous l’envolée des mouettes rieuses, la jetée en bois ancienne couronnée par son petit phare, que coiffe un dôme bulbeux peint en rouge vif. Elle est couverte de planches étroites, disjointes et noircies par les ans, posées sur une charpente de tréteaux géants rongés par l’eau agitée de la Manche. Dans les interstices de ces planches, je vois bouillonner les vagues sombres de la mer à marée montante. C’est ainsi que elles tournoyaient jadis sous nos pieds, pendant que nos genoux se frôlaient, se touchaient tendrement, se caressaient en silence, ce matin d’hiver 1940 où nous avons essayé de nous dire pour la première fois, en marchant côte à côte, ce que les mots n’arrivaient pas à exprimer : « Alors, qu’est-ce que tu en penses ? » Tu avais dix-sept ans, et moi dix-neuf tout juste… Maintenant je reviens seul sur la jetée déserte, pendant que la marée haute envahit le petit port ensablé où la Touques s’enlise depuis un siècle, sans parvenir à mourir tout à fait dans le flux.

Mais je ne suis, en vérité, ni veuf ni solitaire,
car je survis à deux dans mon coin d’outre-terre..
Depuis que tu n’es plus, je vis dans ta pénombre :
Seul l’éclat de ta nuit rend mon réveil moins sombre.

30 juillet 2007
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Claude Vigée
L’eau des sombres abysses


Evy, si tu m’entends encore là-bas, où tu n’es plus,
sache que tout me manque de toi, ton corps, tes yeux, ta voix et ta vive présence,
mais sache aussi que je tente de faire ce que tu m’avais dit
quelques semaines à peine avant de t’en aller dans le noir :
« Quand je serai partie, tu finiras ton livre,
tu en commenceras d’autres, si Dieu t’en donne envie,
car du puits secret de la vie jaillit la neuve poésie,
et souvent répond le génie à l’appel muet du destin.
Si je l’entends là-bas, j’en aurai du plaisir ;
mais quand viendra l’instant de glisser dans la nuit,
laisse-moi doucement, sans cris, sans mots, partir :
chacun de nous doit boire seul l’eau des sombres abysses. »
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