C'est avec une mitraillette Thomson, dont j'avais cessé le trafic, qu'il m'a tiré dessus. En rafale l'arme a hurlé sa joie de me revoir, j'ai été moi aussi littéralement touché de nos retrouvailles. Corps et esprit sont restés figés, intense apesanteur, funambule hors du temps, j'ai chuté sur moi-même. Les mots doux de Mme Thomson ont failli me toucher en plein coeur.
C'est au matin que les femmes sont à leur apogée, quand elles n'ont ni parfum ni autre maquillage qu'un sourire à la clarté lunaire et les bras aimants de leur mari pour les vêtir.
Les plus belles îles à explorer ne se nomment pas Cyclades mais Aristote, Platon ou Socrate. Ce sont eux qui bercent le vieil homme que je suis. Les questions sont terrestres, les réponses célestes. Seuls les hommes qui ne se sont pas incarnés songent à la réincartion.
Le manque stimule le besoin, qui lui-même donne naissance à des retrouvailles passionnées et passionnantes.
L'enfance pour moi a été comme la ligne d'horizon que je mire en écrivant ces mots et rien de toute la vie qui s'est trouvé derrière ne méritait d'être vu et encore moins d'être vécu. Le nouveau monde n'a rien eu du pays des merveilles.
le conditionnel est ce qu'il y a de plus invivable sur Terre, il commence chacune de ses phrases par le mot 'si'. Tortionnaire, ce si petit mot derrière lequel se cache l'inconnu.
Petit poucet solitaire, j'ai semé peu de souvenirs sur mon chemin de vie, seulement quelques traces dans la froideur existentielle comme des pas dans la neige.
En cet instant nous étions deux solitudes, deux âmes soeurs, deux âmes seules, deux vies parallèles de nouveau parallèles au croisement d'un regard.
Pas un seul jour de ma vie ne m'a vu emprisonné mais prisonnier, je l'ai tout de même été. Enfermé dehors sans avoir accès à mon être véritable.
L'espérance de vie de la trace que je laisserai est celle d'un pas dans le sable balayé par le vent et enterré par les flots.