OUTRE-MÈRE -
Cyrielle Gau
https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=65702
Au départ, un projet magnifique. Partir vivre en famille au paradis : la Nouvelle-Calédonie. Marie atterrit sur ce territoire encore secoué par les récents conflits politiques et ethniques survenus à la fin des années 80. Dans ce décor de carte postale, le bonheur escompté n'est pas au rendez-vous. Loin de son univers familier, Marie va rapidement se retrouver très seule et devoir reconsidérer ses choix. Ce séjour en terre d'exil, comme un parcours initiatique pour cette jeune femme en rupture avec elle-même, sera le point de départ d'une remise en question fondamentale.
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Il y a dans les ultimes soubresauts de la vie d’un couple quelque chose de terriblement toxique qu’il ne faut pas prolonger.
Le gîte se trouve dans la baie de Kanumera, une anse peinte d’or et de lumière. Dessinée comme un vaste bassin, la couleur de l’eau est diluée à l’extrême, le peintre ayant laissé tomber son pinceau à peine mouillé du bleu du ciel. [...] Je me trouvais à la porte des dieux, le paradis devant mes yeux.
J’ai traversé la pinède. L’ombre sous les arbres était saturée de la chaleur accumulée. Au bout de la route, j’ai senti la brise du mistral. J’ai perçu son haleine chaude chargée des exhalaisons aromatiques des conifères. Son
souffle me poussait comme s’il me chassait.
Arrivée sur la butte là où la pente se fait douce, je me suis retournée pour voir notre maison en contrebas. — C’est sous cet angle que je la préfère légèrement orientée de trois quarts, elle offre au regard ses deux plus
belles façades couvertes d’un enduit ocre pâle avec la tonnelle devant la salle à manger. De plus haut elle paraît petite, sans ostentation elle s’intègre au paysage. J’aime sa simplicité. À chaque coin de mur, les géraniums débordaient de leur jarre et faisaient des taches rouges entre
les restanques. Au-delà des pierres, le talus descendait dans un fouillis d’arbustes vivaces qui venaient se mêler à la prairie jaunissante en cette fin d’été. Avec ses volets fermés, elle semblait endormie, les paupières closes, la forêt alentour prête à l’engloutir.
Toutes les pièces donnent sur le jardin par des portes-fenêtres à petits carreaux et le salon s’ouvre sur la véranda qui longe tout le côté ouest de la maison.
— Vous serez abrités du vent dominant, continuait d’argumenter Mme Verneuil.
Je me suis accoudée à la rambarde pour admirer un arbre immense.
— C’est un manguier qui donnera des fruits en décembre.
Des bougainvilliers, des hibiscus rouges et une pomme liane au milieu d’herbes folles se font concurrence le long d’un semblant de clôture qui sépare la maison de celle du voisin.
Après avoir enlevé mes sandales, j’ai marché dans le gazon épais qu’on appelle ici « buffalo ». Un tapis doux et vert qui pousse comme du chiendent parfois jusqu’en bord de mer.
Comme la maison se trouve en hauteur, on voit les toits des voisins, un fouillis de tôles ondulées rouges, bleues, vertes côte à côte. Au bout du regard, à l’infini, immense, la mer.