M. Meierlein stoppa.
Il ouvrit la portière arrière.
Fripon sauta à l'extérieur : il entendait toujours être le premier, en auto comme en promenade. Cependant, il se retourna surpris : ses maîtres ne descendaient pas. Au contraire, ils refermaient la porte et repartaient. C'était sûrement un jeu.
- Ouah ! Ouah ! aboya-t-il joyeusement, se lançant à leur poursuite.
L'auto roulait de plus en plus vite.
Oreilles couchées, nez au vent, Fripon fonça. Bon coureur, il trouvait ce jeu amusant. Un peu long pourtant. Au bout d'un moment, il en eut assez.
- Ouah ! Ouah ! souffla-t-il, la langue pendante. Ca suffit. Assez ! Arrêtez !
Les maîtres semblaient ne rien entendre et s'éloignaient rapidement.
Ce jeu ne plaisait plus du tout à Fripon. Ses jappements devinrent impératifs :
- Ouah ! Ouah ! Qu'Est-ce que ça signifie ? Revenez. Tout de suite !
L'auto disparut à un tournant. Fripon s'arrêta et s'assit. Il n'en pouvait plus, son cœur battait à se rompre. Au bout de quelques minutes, après avoir récupéré, il releva la tête et, les oreilles dressées, écouta.
Rien. Plus un bruit. Ses maîtres avaient disparu.
Et Fripon, soudain, se sentit seul, perdu, abandonné. Sa courte vie de chien s'était, jusque-là, écoulée auprès des Meierlein, sous leur protection. Il était très jeune encore, sans sagesse ni expérience : il ne connaissait rien des aléas de l'existence.
Pris de panique, son poil se hérissa :
- Hoû !... Hoû ! Hoû !... hurla-t-il. Où êtes-vous ? Que faites-vous ? Revenez !
Ils ne revinrent pas, et ses appels restèrent sans réponse.
Jusqu'au dernier moment, les Meierlein avaient espéré que le concierge, ou n'importe quelle âme charitable, les prendrait en pitié. Mais en vain.
- Ce chien est une vraie malédiction.
- Un bon à rien.
- Il nous a déjà coûté une fortune !
- Qui garderait un animal pareil, je te le demande ?
- Personne, sûrement.
- Nous sommes trop bons.
Ils évitaient de se regarder en face, mais ils étaient parfaitement d'accord. Tous les moyens seraient bons pour sauvegarder leurs vacances. Tout au long de l'année, ils avaient rêvé de ce mois. Nul n'avait le droit de les en en priver, et surtout pas ce maudit chien !
Le chien, qui ne savait plus s'il redeviendrait jamais Fripon ou Amigo, ou même si, durant les quelques jours qui lui restaient probablement à vivre, il répondrait encore à un nom, le chien ne réagit pas à cette voix amicale.
La journée commençait et, avec elle, la bataille quotidienne pour la vie. (p.11)