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Citations de Danielle Cohen-Levinas (42)


Un bruit dans le bruit
À Michel Deguy

Deux elles I


Ailes de voix

Ailes de deuil

Quand la feuille te rencontrait
tu dormais
à l'ombre de tous les
bruits.

Monteverdi faisait grimper les dissonances
jusqu'au bord de
l'envol.

La torsion du cri s'épanchait

La monodie priait
Les syllabes se rassemblaient

pour rire.

Chaque jour je déplie
la Lettera amorosa
Je l'épelle

J'inscris en épigraphe le mouvement
des lèvres.

Le madrigal meurt

dans ta bouche

Ailes de mots et de sons
mêlés

se blessent.

Lettres éployées
transcrivent le geste

le sonde.

Il erre le bruit
Il effleure l'accord

le touche

l'enserre.

Chaque jour la lettre amoureuse
se tait

davantage.

p.103-104
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Au bal dansé
Des folles enfances
Quand parti avec le nuage bleu
Le petit pied était resté.
Bal dansé
Bal ailé.
Deux petits anges tous ronds
Décadencés.
L'un a quitté l'estrade
L'autre s'est égaré
Nuque dans le champagne
Bal dansé, bal dansé
Les chemins pas tracés.
Glas des jardins à deux têtes
Ont pris les pieds en otages
Pantoufles de terre séchée
Portées par des corps esseulés
Par des haleines syncopées.
À même la danse
À même le temps.
Le rythme ne souffre d'aucune prescription.
         Paris, La fontaine aux bois,
             Mai-août 1999

p.57
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UN BRUIT DANS LE BRUIT
Temps long


J'ai vu de grands arbres
longs
si longs
si durablement
élancés.
L'explosante veinure dardée
d'humus
J'ai vu.

Extrême proximité de feuilles
et de rainures
Extrême intimité
temps contre
temps.

Bois modulé

Bois strié

intouché
Théâtre d'ombres signifiées

Feuille apatride
toujours

C'est dire jusqu'où l'arbre invoque.

p.124-125
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Danielle Cohen-Levinas
Le soleil est grammatical (1999)
À Pascal Quignard

Litanie


Dieu s'est manifesté dans le miroir.
Les omoplates sursautées
Ont attrapé la lyrique.
Elles ont feuilleté la voix
Qui débordait du miroir
glissé.
Un bol pour boire
Un bol pour manger.
Tendre le liquide.
Tendre la bouche qui phrase le liquide.
Ôter le timbre du miroir
Poser la peau
La couvrir.
Remettre à leur place les omoplates
Côte à côte.
Dessiner le miroir.

Surseoir le temps où nous n'avions pas de regard.
                     Paris, 25 septembre 1999

p.53
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Aurore


J'entends parler
J'entends parler
Ces dires de formes et de pensées
Le ouïr d'en haut à pas cassés
Ne pas tomber
Ne pas tomber.

J'entends parler
J'entends parler
Que les sillon qui a glissé
Que les cailloux qui m'ont porté
Ne pas crier
Ne pas crier.

J'entends parler
J'entends parler
C'est le bleu qui s'est retourné
C'est l'élan qui s'est enduré
Ne pas bouger
Ne pas bouger.

J'entends parler
J'entends parler
Les mots qui cognent le papier
L'encre qui joue à surligner
Ne pas gommer
Ne pas gommer.

J'entends parler
J'entends parler
La voix défaite a sursauté
Dedans la bouche hallucinée
Ne pas chanter
Ne pas chanter.

J'entends parler
J'entends parler
Les yeux du monde proférés
Dans les mains encore esseulées
Ne pas aimer
Ne pas aimer.

J'entends parler
J'entends parler
En quinconce et sur le tracé
La vive peau est alitée
Ne pas pleurer
Ne pas pleurer.

p.128-129
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LE SOLEIL EST GRAMMATICAL

(7)


Avec un accent circonflexe à peine effleuré
Accent d'ailleurs
Que l'étrangeté des visages
Ne trouble jamais.
Parce que petite
Parce qu'innocente
Avec des regards en forme de tiroirs
Ils sont cachés dans les angles.
Hop, elle est passée
Hop, elle est repassée
Dame lune serpentée
Je, tu, il
elle était là.
L'échine des sourcils s'est envolée
Pour un siècle de voix lactée.
Anaphore du temps qui mime
Les assertions d'en haut.
Lune féline qui tranlude le soleil
Pleine de conceti orange
Je, tu, il
Elle s'en remettra.
Les perfidies célestes ne durent qu'un temps.
Battue rapide, pulsation sans durées
Et le jour se mit à dormir
Paupières disjonctées dans le bleu.
                 La fontaine aux bois,
                11 août 1999 (éclipse)

p.63-64
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Un bruit dans le bruit

Entre l'autre


J'ai placé devant toi la vie et la
mort
Le multiple du verbe son
infini
Tandis que le chaos recouvre la
musique
Il est venu le temps du
dire
Déglutir le bruit du
langage
À l'observatoire du grand mot
sourire
Nous ferons de nos repentirs la
chute

J'ai placé devant toi le
livre.

p.138
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Chaise en deuil
Elle ne grincera plus
Rayures de silence gisent
Bras d'acajou ailés
Elle gèlera le lieu
Plainte de langue bruitée
Chaise en deuil
Blanc des membre bleui
Sanglots de silhouette brûlent
Un anonyme douloureux
Une posture parmi d'autres
La chaise est en deuil

Poudre de nuit

  Paris, La fontaine au bois,
  Juillet-août 1999

p.58
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Le soleil est grammatical (1999)

À Pascal Quignard
Litanie


(2)
J'ai déposé une larme
Là.
Grise, visage après la pluie.
La larme était belle
Souveraine parmi celle versées
La larme sans âge
Sans aspérité au coin de la virgule
Arrosée chaque jour.
J'ai même cru qu'elle attendait
Apostrophe et antécédent.
Larme muée en larme
Advenir nue.
Atteindre le bord du vase
Restée telle qu'en regard elle s'était soulevée.
Circonscrite autour d'elle-même
Provenance allitérée
Elle pleure.
               Paris, le 12 novembre 1998

p.56
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An die Musik


J'entends dans la musique l'origine d'une cassure

Toutes les cassures.

Un camaïeu de temps
serein
radical.

Un tragique

Un murmure venu

de loin
de près

À côté de la phrase
Son écho le plus tenu.

La précarité sans retour

La pudeur peut
être.

Le piano de Schubert revient.

Je l'entends avec l'oreille adossée au visage de la
jeune fille

et

La mort

m'agenouille.

Mes lèvres contre le sol délivrent sans bruit la phrase
Je la réveille.

La voix encoche la partition


Schubert ne veut pas que tu meures.

p.162-163
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Danielle Cohen-Levinas
J’en ai rêvé
  
  
  
  
Je l’ai touchée un jour
J’en ai rêvé

Dans les jardins
je courais derrière elle

Dans les allées
je la guettais

La voix ultime qui se retourne pour la voir
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En grec ancien, mustikós renvoie aux Mystères et plus précisément aux Mystères d'Éleusis. Les Mystères d'Éleusis consistaient en cérémonies votives, parallèles aux cultes de la religion civique, et qui se célébraient à Éleusis, non loin d'Athènes en l'honneur de Déméter et de sa fille Perséphone. Elles comprenaient deux étapes ; les petits mystères étaient ouverts au grand public, alors que les grands mystères étaient réservés à ceux qui avaient été sélectionnés.
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UN BRUIT DANS LE BRUIT


Le bruit passe
Il se retourne

La prophétie le change en pierre
Des sonorités apposées soutiennent ses piliers

Dans le fond de l'oreille
ce fond d'être plaintif
le signe
reflue

Le silence s'annonce

Le bruit demande

Qui es-tu ?

p.205
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UN BRUIT DANS LE BRUIT
Ourdir


La petite phrase s'échappe
toujours

et toujours
engage sa revenance.

Venir, advenir
c'est comme si elle crevait un ciel
allumé par le bruit.

Juste au milieu du livre
Là où se tient l'extrême déprise.

Desadhérer le bruit du son
L'enclaver du bout des lèvres,

J'ai lu que c'était un rêve.

Mettre la phrase à l'épreuve du
chant
La traverser ligne après ligne.

Qu'est-ce ?

Tu écoutes le contretemps fatal et tu

pleures.

Promesse d'une musique absolue
qui ne jamais s'approche
qui ne jamais s'éloigne.

La modulante attrape le temps.

La phrase est partie avec

elle.

p.151-152
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UN BRUIT DANS LE BRUIT
Romance sans parole


Laisse-moi courir la plaine blanche
Au pays de l'ellipse je
m'assieds.

J'y croise des enjambées
Les amplitudes des mots
cuivrés.

La voix se lève tôt
quand des haillons de bruits
viennent tintinnabuler
sur le parvis de tes
pensées.

Au loin
C'est un humus vertical qui
grondait comme la phrase avec laquelle tu
épelais ton premier amour.

Auprès
c'est le silence
La voix est si pudiquement nue qu'elle pâlit
À chaque détour de ton verbe.

Laisse-toi venir la page blanche
Au pays de l'étreinte
je passais.

p.148-149
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LE SOLEIL EST GRAMMATICAL

                   À Pascal Quignard


(9)
Le soleil est grammatical
Il ne l'a jamais dit
et jamais évoqué.
Singularité sans concession
Une fois les persiennes ouvertes
Le flot des conjugaisons commence.
Le soleil préfère les amplores
Et la meilleure manière de les honorer
c'est en apposant.
Allez-y voir
Le vif des choses vous en sera reconnaissant.
Apposer le blanc et le bleu
L'horizon d'en bas perd la tête.
Le vocabulaire implose
L'imagerie est restée debout
Les alliances stellaires sont ambiguës.

Le soleil aime le génitif.
                    La fontaine aux bois,
                    11 août 1999.

p.66

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LE SOLEIL EST GRAMMATICAL
(16)


Les tombées de nuit ont franchi une ligne
Le théâtre des ombres en scories inversées
C'étaient elles
Les tombées.
Au premier abord les flèches n'atteignent que les
 étoles
Puis quand dans le parc les destins se querellent
Un pictogramme persifleur disparaît dans les travées.
Ulysse est devenu maçon.
Il habille les frontières ajournées.
Fabricant de rébus
Les sanglots sont rapides.
Les îles transcrites ont froid
La solitude les rend coquettes
L'étole est trop bavarde
Pour calibrer la limite.
Sur fond de scène polyglotte
Ulysse rejoint Babel.
Marchand de terre cuite distribue l'absolu
Tout dort.
                     La fontaine aux bois,
                       13 août 1999

p.76
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LE SOLEIL EST GRAMMATICAL
(15)


Les faubourgs se sont éloignés
Didactique de trottoirs usés
Déserts.
Les surfaces trop éclairées
Sur les granits redressés
S'adonnent.
Les couleurs se sont scindées
Ferment de tropiques ailés
Se brisent.
Les pyramides stupéfiées
Inédites et désapprouvées
Méditent.
Il y a la lumière précise
Un littoral échevelé
Et la bouche primordiale
Blessée.
                     La fontaine aux bois,
                       13 août 1999

p.75
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LE SOLEIL EST GRAMMATICAL
(14)


Les capucins se sont réunis
En haut d'un château qui pleurait
Larmes pierres endeuillées.
Les capucins se sont segmentés d'un commun accord.
Aider le château à rétablir l'énigme
Hors les plaintes l'éloquence est souveraine.
Des capucins bavards
Emboîtent les décisions
Le parlando a le dernier mot.
La transparence du château ne cesse de se réveiller
On a mis les pleurs
Capucins aux palais d'orgueil
Les pierres ont peur.
                     La fontaine aux bois,
                       13 août 1999

p.74
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LA TRISTESSE DU ROI
Fragment d'incantation


Nous ne livrerons pas le temps aux syncopes du
 monde
Tant que Dieu ne sera pas apparu autrement.
Dans le secret imprévisible de nos désirs
Dans l'oubli ajourné de nos pleurs
Dans l'attente chaque jour recommencée de nos
 silences
Dans les plis de l'âme
Narcisse, autrefois incarnée.

p.26
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