Day Keene

" On peut lui raconter n’importe quoi, à cette petite… La pauvre idiote, la cinglée de Bonnie ! Elle est tellement farcie de cachets et de gnôle qu’on peut lui faire avaler n’importe quoi. "

Si vous deviez vivre assez longtemps pour que ce conseil puisse vous profiter, mon petit, poursuivit-elle, je vous dirais de ne jamais vous mettre avec un vioque ! Ils se font une drôle d’idée de la rigolade.

L’ancienne strip-teaseuse portait une robe de sport blanche, d’une simplicité coûteuse, dont le décolleté en V révélait la naissance de ses seins généreux et forts célèbres. La cigarette allumée qui se balançait au coin de sa bouche lui donnait un petit air canaille. « Non, se dit Hart, ce n’est plus la même fille : les vices et les excès commencent à marquer son visage. Mendoza la considère comme une malade mentale, et je crois bien qu’il a raison… Cette fille n’est certainement pas normale… »

Et il y avait une question de légalité. Un avocat, un détective privé et un pharmacien ne pouvaient tout de même pas s’amuser à pénétrer de force chez un multimillionnaire et à lui extorquer la vérité à coups de poing.

Il est plus facile d’empêcher un client d’aller en prison que de l’en faire sortir.

 Je suis votre avocat. Vous savez que vous pouvez me faire confiance. Je suis prêt à tenter l’impossible. Cela coûtera peut-être du temps et de l’argent, mais nous en sortirons. Seulement, il m’est impossible de vous défendre convenablement, si vous ne jouez pas cartes sur table avec moi.

De nos jours, on ne peut plus ouvrir un journal ou une revue sans apprendre qu’un grand savant ou un grand militaire a condamné l’humanité dans un bref délai, que la fin du monde est proche, que les nouvelles armes et les nouveaux explosifs peuvent détruire, à la faveur d’une attaque surprise, la moitié de nos villes et quarante à cinquante millions d’êtres humains, avant que nous ayons le temps de lever le petit doigt.

L’homme est un étrange animal ; presque aussi étrange que la femme. La fille était prête à se donner à lui, s’il le voulait. Mais le voulait-il ?

J’avais décidé de vous séduire ; vous devinez par quels moyens ! J’avais mis ma plus jolie robe, je m’étais faite aussi belle que possible avec l’espoir que vous auriez envie de moi… Je veux dire : comme un homme peut avoir envie d’une femme !… Et vous n’êtes même pas venu ! Vous étiez trop occupé à jouer les Casanova auprès d’une fille ramassée à un arrêt d’autobus.

S’il y a une chose dont je suis sûr, c’est bien celle-là. C’est drôle que j’ai pu oublier un truc comme ça… Pendant tout le temps qu’on a été ensemble, surtout la dernière nuit, dans la cabine, Bonnie avait eu cette attitude bizarre – à croire que chaque verre qu’elle buvait, c’était le dernier, que chaque fois qu’elle se donnait à moi, c’était pour la dernière fois.

Elle était gentille, mais pas pour deux ronds de bon sens. J’avais beau lui en faire voir de toutes les couleurs, j’avais beau la tromper avec plein de souris, elle m’aimait envers et contre tout.

Notre devoir nous commande de protéger l’innocent autant que de punir le coupable. Et, dans ce but, nous sommes décidés à employer tous les moyens en notre pouvoir pour établir si oui ou non, il existe une femme répondant au nom que vous nous avez communiqué.

Il est difficile de suivre les cheminements de la pensée chez un policier. Mais continuez à dire la vérité. Vous avez agi à la légère, c’est entendu, mais on ne pend pas un homme pour cela. Si l’on condamnait tous les individus d’âge moyen qui, une fois dans leur vie, ont eu une faiblesse pour une poulette appétissante, les trois quarts de la population mâle de la Californie – sans oublier l’inspecteur Garcia ici présent – seraient en prison.

Hart pourrait toujours raconter que la fille lui avait fait des avances, qu’elle avait voulu se donner à lui pour se venger plus complètement de Harry Cotton, qu’elle avait juré que Bonnie Tempest était vivante : personne n’attacherait de crédit à cette histoire fantastique. C’était le type même de la fable que peut raconter, à la police, un commerçant prospère, doué d’une imagination moyenne et décidé à se sortir du pétrin où l’avait mis son humeur polissonne.

Il connaissait assez les femmes pour craindre qu’au matin elle ne refuse de parler. Si elle en avait tant dit, c’était seulement sous l’influence de l’alcool, du plaisir et du tumulte d’émotions longtemps refoulées.

Il aurait donné n’importe quoi pour démêler, dans le récit de la fille, la vérité de l’affabulation. Il fallait qu’il sache.

Lui, il trouvait tout naturel de coucher avec toutes les poules qu’il trouvait à cent kilomètres à la ronde. Dès la première semaine de notre mariage, il a commencé à me tromper. Et comme il se sentait coupable, il suffisait qu’un passant me regarde d’un œil admiratif pour qu’il me fasse rentrer à la maison et qu’il me dérouille. Il lui est arrivé de me frapper si fort que je ne pouvais me rendre à mon travail.

Gerta avait un mignon petit derrière ; d’ailleurs, tout en elle était mignon. Sans compter qu’elle avait du talent à revendre. Mais malheur au producteur qui lui proposerait un contrat moyennant la traditionnelle séance sur le divan ! Le jour où Gerta se déshabillerait pour un homme, elle aurait une bague à l’annulaire de la main gauche.

Apparemment, quand une fille épousait un compte en banque, elle s’élevait du même coup au-dessus des contingences imposées aux simples mortels.

Faire l’amour avec une femme mariée, chez elle ou dans une chambre d’hôtel, c’était une chose. C’en était une autre que de se livrer au même passe-temps sur un yacht. Rares étaient les yachts dotés de portes et de fenêtres.