Denis Vasse

Dans cet ouvrage passionnant, mais pas toujours facile d'accès, Denis Vasse présente "deux enfants en analyse". Ils sont à la dérive, ils ne parlent pas. Alors, il les laisse dessiner, il se penche sur leurs dessins sans les juger. Le thérapeute se pose la question « Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Il donne du sens à ce qui pourrait sembler insignifiant. Avec patience et bienveillance, la communication s’installe. Il les écoute. Ce travail a pour effet d’améliorer le comportement de ces enfants psychotiques et de leur rendre la parole. Ils peuvent alors devenir sujets de leur discours.

La lecture de cet essai peut sembler difficile. Comme le titre l’indique, il est question de la souffrance. L’auteur, médecin et psychanalyste insiste sur l’importance de mettre des mots sur la réalité. La souffrance psychique, si on ne l’évite pas, peut être salvatrice.

La sagesse de Denis Vasse fait surgir la richesse de cette réalité de la souffrance qui, si on la considère positivement, peut permettre la parole, l’expression du désir, et la vie.

Le désir ?



« Chez l’homme, pourtant, le besoin n’est jamais pur besoin. Le besoin de l’homme porte la marque de l’esprit, c’est-à-dire du désir de l’autre qui trouve son origine dans le besoin de l’autre, mais qui n’y est pas réductible. Désirer l’autre, en effet, c’est le vouloir pour ce qu’il est et que je ne suis pas ; c’est par conséquent, renoncer à en faire l’objet de mon besoin, renoncer à le réduire. Tout se passe comme si la répétition indéfinie du besoin, avec l’augmentation et les ruptures de tension qu’un tel processus implique, nourrissait la permanence du désir humain. Dans la relation humaine, l’autre apparaît radicalement autre, Autre, dans la mesure où je n’en ai pas besoin car, alors, rien ne justifie pour moi sa présence. Dès l’origine, la mère s’offre à la satisfaction de tous les besoins du petit d’homme ; elle est « l’objet primordial » dont la seule présence est signe de rassasiement et de vie. Mais si elle est le lieu d’apaisement de toute tension et de toute douleur, elle ne disparaît jamais entièrement dans la plénitude du rassasiement. En la consommant, l’enfant ne la tue pas. Elle reste à découvrir comme autre chose qu’un objet. Déjà se noue le processus qui sera vécu, dans la sexualité, sur un autre mode : la consommation de l’acte révèle l’autre dans sa persistance, Autre. Au jeu rythmé de l’apparition et de la disparition d’une tension, est liée la découverte d’une radicale différence entre l’autre et moi ». (p. 21-22)

J’ai emmené mes enfants au Jardin Couvert, nous avons croisé Denis Vasse, le fondateur de ce lieu unique. Dans cet espace, les tout-petits jusqu’à trois ans, viennent accompagnés de leurs parents. Les accueillants formés à la psychanalyse savent écouter et mettre des mots sur les interactions et les jeux des enfants, sur les doutes et la solitude des parents. C’est un lieu de rencontres et d’échange qui fonctionne depuis 1984 à Lyon.

J’ai entendu Denis Vasse lors de la présentation de cet ouvrage qui m’a rappelé des souvenirs de jeune maman. Ce recueil de témoignages souvent émouvants est rempli de sagesse. On a besoin de lieux où l’on entend des paroles justes qui font du bien pour élever des enfants.