Je n'ai rien oublié, ni des lieux, ni des saisons, de tous ces instants d'amour dont nous nous sommes nourris. La mémoire est une belle chose. Elle nous rend éternellement présents l'un à l'autre.
Je lis comme tout le monde les articles dans les journaux qui racontent les batailles. Des témoignages de nos poilus. Allons, mon animal féroce, j'ai bien compris que tu ne veux pas me dire que pour toi a sonné l'heure du combat. Ne crains rien, mon tendre, je me tairai sur mes frayeurs, mes insomnies, ou la tristesse qui pèsera à chaque instant sur mon esprit. Je ferai silence sur mon attente insupportable, incomparablement plus légère que la vôtre, soldats du front. La honte m'assaillirait si je devais aggraver le fardeau de tes angoisses.
Louis l'écrivain m'émerveille, me comble de ses rêves, de sa valeur, mais Louis, l'homme, me touche par ses défaillances, sa fragilité. Et ces deux êtres se confondent dans mon amour. Mon Louis.
Nous ne sommes pas de ce monde. Et pourtant, ce monde nous honore d'amis, comme il nous crucifie d'ennemis.