Quarante sixième chronique poétique enregistrée rue Saint-Louis à Québec. Toutes les autres chroniques sont à lire sur www.dominiquemaes.net
C'est presque rien une fourmi, à peine une ponctuation sur le gravier blanc ; trois points de suspension à la fin d'une phrase qui n'exprimait qu'une pensée encore confuse. Pas besoin de méditer bien longtemps là-dessus.
Certains mille-pattes très vieux et très sages qui ont fréquenté des dizaines de groupes thérapeutiques consacrés au couple, arrivent parfois à se chausser avant la tombée du soir. C'est un grand pas pour notre humanité.
Touriste, regarde-moi dans les yeux.
Tu n'as pas fait tout ce chemin, traversé des frontières, souri aux douaniers, réservé un hôtel, gravi en transpirant les marches des escaliers qui serpentent sur le flanc du Mont-Royal, pour rater notre rencontre ! Reprends ton souffle, tes esprits, and look at me. J'ai des choses à te dire entre quat'z'yeux et bien d'autres à te montrer.
Les racines des arbres emprisonnés depuis trop longtemps dans de jolis squares victoriens creusent inlassablement des échappatoires.
Il suffit au promeneur de poser les pieds sur ces sillons secrets pour sentir la pulsion douce et puissante de la vie.
Le temps passe et nous menace. Nous portons nos angoisses. Mais il faut toujours marcher à Québec comme ailleurs et sentir les battements réguliers de notre cœur. Chaque pas que nous faisons nous entraîne à la création.
On vient même un peu pour cela : suspendre le temps. Ici, on sait cultiver le vrai plaisir qui émerge quand on a la patience et le talent de goûter au meilleur moment. C'est cela, la gastronomie : un travail créatif parfois long, méthodique, qu'il faut savoir attendre et déguster en un instant fugace. C'est un art total où s'assemblent les couleurs, les textures, les saveurs, les parfums, le décor, le langage et même la musique.
Nous rêvons d'un ailleurs meilleur en oubliant que nous nous emporterons où qu'on aille.
Quel est l'imbécile qui croit encore aux chemins linéaires ? Et l'art d'exister ne réside-t-il pas dans notre capacité à saisir presque d'instinct, les choix qui nous rendront un petit peu plus vivants?
C'est quelque chose le désir ! N'est-ce pas lui qui rebondit sans cesse, qui nous rend si vivants ?
Cuisine et littérature font bon ménage. Il est exquis de lire avec le nez, de goûter le suc des mots, et lorsque l'on déguste des nourritures terrestres, de chercher le langage qui intensifie encore en le nommant le plaisir ressenti.