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Citation de Charybde2


Neuf passagers furent témoins de l’enlèvement de Yaniv Meidan à l’aéroport Charles-de-Gaulle, sans compter les centaines de milliers d’internautes qui regardèrent les images de surveillance une fois qu’elles eurent été mises en ligne.
Le rapport initial de la police française le décrivait comme « un passager israélien âgé d’une vingtaine d’années », bien qu’il eût fêté son vingt-cinquième anniversaire une semaine plus tôt. Ses collègues le décrivaient comme « malicieux », voire « infantile ». Tous s’accordaient à dire qu’il « aimait s’amuser ».
Il débarqua d’humeur visiblement joyeuse du vol 319 d’El Al. En sortant de l’avion, il tenta une dernière blague auprès du personnel de bord et, au passage de la douane, il fit le pitre au bénéfice des policiers français, qui le regardèrent avec une hostilité manifeste avant de tamponner son passeport et de lui faire signe de passer.
Ça avait toujours été comme ça. Depuis la maternelle, les gens pardonnaient tout à Meidan. Sa spontanéité exubérante, juvénile, parvenait à charmer tous les employeurs pour lesquels il avait travaillé et lui avait gagné un certain nombre de cœurs, même pour un court moment. « C’est si facile de pardonner à Yaniv », avait dit un jour un de ses professeurs à sa mère.
Rien d’autre ne le distinguait des deux cents Israéliens venus à Paris pour participer à l’expo CeBIT Europe. Avec sa coupe en brosse et sa barbe de trois jours, son jean et son T-shirt portant le logo d’une expo précédente, il présentait l’uniforme de tous les jeunes gens d’un pays qui se qualifiait lui-même de « start-up nation ». La bande vidéo le montrait occupé à taper frénétiquement sur son téléphone portable.
Il était depuis deux ans le directeur marketing de la compagnie de logiciels B.O.R., ce qui faisait de lui le plus ancien de la petite bande envoyée à l’expo. Ils étaient six en tout – une équipe restreinte par rapport aux grandes compagnies. « Nous, on n’a pas d’argent, mais on a du talent », lançait-il régulièrement à ses collègues, qui le regardaient avec un mélange d’amusement et d’affection.
Le hall de réception des bagages était exigu et mal éclairé. Meidan se mit à multiplier les blagues. Plus ils attendaient, plus il s’ennuyait, et il faisait les cent pas en bavardant à perdre haleine, tambourinant par moments sur le tapis roulant qui s’obstinait à rester immobile. Il détestait attendre. Il détestait s’ennuyer. Sa réussite dans sa branche d’activité tenait essentiellement à cette qualité : son besoin obsessionnel d’injecter du divertissement dans chaque instant de la vie.
Dans l’attente des bagages, il entreprit de se photographier dans différentes poses, et posta une photo de lui en train de tirer la langue au mannequin nu d’une affiche des Galeries Lafayette, sans penser que l’image apparaîtrait le lendemain en première page de Yedioth Ahronoth, le journal le plus lu d’Israël.
Les directeurs des compagnies rivales étaient rivés à leurs portables et mettaient l’attente à profit pour travailler, peaufinant leur présentation pour l’expo. « Tout est affaire de connexion », lança Meidan à son équipe en sortant une carte Visa et en faisant une grimace devant un panneau d’affichage d’American Express.
Soudain les valises commencèrent à glisser sur le tapis roulant, et les leurs furent parmi les premières à apparaître. « Pas de panique, les gars, l’expo sera encore là demain », jeta Meidan aux autres passagers, avant de prendre la tête de son équipe qu’il guida vers la sortie d’un pas triomphant.
Il franchit la douane, ses cinq collègues dans son sillage, puis les portes automatiques s’ouvrirent devant une petite foule de chasseurs d’hôtels et de chauffeurs venus chercher un passager. La moitié d’entre eux avait l’air de gangsters, mais au milieu se tenait une blonde renversante dans un uniforme d’hôtel rouge qui brandissait bien haut son panneau. Meidan s’approcha d’elle aussitôt, histoire de faire encore une pitrerie, juste une dernière pour la route.
Il était 10 h 40, le lundi 16 avril.
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