Les bons romans d'espionnage se faisaient rares depuis quelques années, à croire que la fin de la Guerre Froide avait tari la source. Mais ça, c'était avant. Non seulement
Unité 8200 dépoussière le genre, mais elle vous rend complètement accro. Après une nuit blanche passée à tourner frénétiquement les pages tout en piochant dans des M&M's® je connais enfin le dénouement de ce "frileur haletant", comme pourraient nous le vanter les bandeaux publicitaires.
Unité 8200 -du nom de l'unité de renseignement de l'Armée de défense d'Israël qui gère le renseignement d'origine électromagnétique et le décryptage de codes- s'ouvre sur une scène très hitchcockienne. Tout comme on ne doit pas prendre un appel téléphonique au nom de George Kaplan quand on s'appelle Roger Thornhill, il ne faut pas se faire passer pour un autre dans un aéroport.
C'est ce que fait Yaniv Meidan, un jeune entrepreneur israélien pour draguer une belle blonde qui attend un passager dans le hall d'arrivée de Roissy. Meidan va littéralement se volatiliser sous les yeux ébahis de ses collègues.
Le colonel Zeev Abadi, de l'
unité 8200 présent par « hasard », décide de proposer ses services à la police française qui n'aime pas que des passagers disparaissent dans un des lieux les plus surveillés du territoire. Et l'affaire va prendre une tournure et une ampleur inattendues. Mieux que Jack Bauer, Abadi va devoir cavaler pendant 24 heures chrono, aidé de la lieutenante Oriana Talmor, depuis Israël. Des Chinois, des hackers, des policiers français, des services israéliens qui se tirent la bourre…c'est la foire d'empoigne dans les rues de Paris.
L'intrigue est solide, le rythme trépidant, l'écriture sans fioriture. L'auteur connaît son sujet, il était officier des services de renseignements israéliens et maintenant rédacteur en chef d'Haaretz (étonnant comme parcours). Il nous offre donc une plongée assez étourdissante dans l'univers des renseignements, israéliens, américains, français, et nous démontre, s'il fallait encore nous le prouver, que l'espion en gabardine et chapeau mou est une relique depuis belle lurette, puisque l'on peut coller aux basques de n'importe qui pour une durée illimitée lorsque l'on se trouve à des milliers de kilomètres. La police française symbolisée par le commissaire Léger, un flic à la Papa, a l'air bien à la traîne. On a l'impression qu'il est prêt à tout instant à endosser son pardessus pour aller manger une blanquette de veau au bistrot d'à côté. Mais il finit par avancer grâce aux indics et aux enquêteurs de terrain. Heureusement, car on se demande comment autant de services étrangers peuvent faire ce que bon leur semble sur le territoire français sans provoquer aucun remous...
Avec
Unité 8200,
Dov Alfon nous entrouvre les portes d'un univers effrayant où les bases de données gigantesques brassent des milliards d'informations, que les gouvernements peuvent manipuler à leur guise. Mais qui gardera ces gardiens? s'interroge l'un des personnages, Quis custodiet ipsos custodes? Personne malheureusement. On en viendrait à regretter l'encre sympathique et les parapluies bulgares. Quoiqu'il en soit, ce roman (politique fiction parfois, voir les passages consacrés au premier ministre israélien) très dense et sans temps mort se dévore. C'est l'un des meilleurs polar/ espionnage lus ces dernières années, Bref, j'ai adoré.