Sur un air limpide et tranquille (de Zhu Shu Zhen, vers 1131)
(sous-titré : un jour d'été, promenade sur le lac)
Ennuyée de brume, trempée de rosée,
Retenue un moment je demeure,
Pour lui tenir la main en chemin,
au-dessus du lac aux fleurs de lotus,
Toute une bruine, aux prunes mûres, de pluie fine.
Charmante ingénue sans craindre qu'il me devine,
Toute habillée assoupie renversée sur son coeur...
Enfin voici qu'on se lâche les mains, c'est l'heure
De s'en retourner lente s'accouder à la coiffeuse.
SUR L’AIR DE LA BELLE DE YU
Floraisons de printemps et lunaisons d’automne,
quand finiront-elles ?
De ce qui fait le passé, que saisit-on vraiment ?
Lorsque sur la petite pagode la nuit dernière vint
le vent d’est,
L’ancien royaume ! Je n’ai pas eu la force, baigné
par la clarté de la 1une,
d’en retrouver le souvenir.
Les balustrades sculptées et les marches de jade,
sans doute subsistent-elles encore !
C’est seule la fraîcheur de notre jeunesse qui
s’altère.
Dites-moi : peut-il se trouver autant de mélancolie
Que ce que tout un fleuve charrie vers l’est
d’eaux printanières ?
// Li Yù) (937 – 978)
/Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
Sur l'air de "D'un regard si charmeur" (Song Hui Zong - Zhao Ji, 1082-1135)
De la Capitale de Jade déjà sont souvenirs vieillis les splendeurs et les fastes.
A mille lieues ici de la Maison Impériale,
Du Bois de Rubis, de la Galerie de Jade,
Des matinées où retentissaient les cordes et les vents,
Des soirées où se succèdaient les flûtes et les vielles.
La Cité des Fleurs on l'a quittée,
maintenant c'est morne désolation.
Un mirage de printemps tournoie sur les sables barbares,
Les collines de chez moi, je les ai perdues.
Il faut souffrir d'entendre les flûtes tartares
Souffler jusqu'à disperser les pétales des pruniers.
SUR UN AIR LENT
Quêter, quérir, fouiller, fureter,
Froidure vide, froid dur limpide,
Morne monotonie, amère mélancolie, lamentable ennui…
Douceur subite, retour du froid,
Cette saison où je souffre le plus de respirer ;
Avec trois gobelets et deux coupes de vin clair,
Comment y résister, quand le soir vient, quand le vent s’énerve ?
Voici les oies sauvages parties,
Le plus cruel à mon cœur,
Pourtant nous étions bien complices aux temps passés.
Partout au sol les chrysanthèmes s’amoncellent,
Défraîchis et déchus
à présent, qui viendrait prendre la peine de les ramasser ?
Veillant près de la fenêtre,
Solitaire, par moi-même comment parviendrai-je à rejoindre
l’obscurité ?
Au sterculier vient s’adjoindre la bruine,
Qui jusqu’au crépuscule dégoutte et dégouline ;
Et toute cette composition,
Comment le seul mot de « souci » pourrait-il en donner
le sens ?
// Li Qing Zhào) (1084 — après 1149)
/ Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
SUR L’AIR D’UN BODDHISATVA D’AILLEURS
Sous des étincelles d’astres, par la lune assombrie,
enveloppée de brume légère,
C’est là une belle nuit pour vous rejoindre, mon
Seigneur,
Chaussettes retirées pour gravir les marches
parfumées,
Tenant à la main mes escarpins cousus d’or.
Du côté sud de la salle aux peintures vous voici ;
Là, une fois contre vous blottie toute tremblante :
Votre servante s’est donné du mal pour s’échapper,
S’il vous plait, laissez-vous bien aller à la tendresse.
// Li Yù (937 – 978)
/Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
SUR L’AIR D’UN MAÎTRE EN DIVINATION
Un chant au prunier
À l’écart de la grand-route, près du pont rompu,
Silencieux, solitaire, il fleurit à sa guise.
Voici déjà le crépuscule, et seul à son chagrin
Il subira encore le vent avec la pluie.
Sans intention de s’acharner pour gagner le printemps,
Seul à soutenir d’une volée de fragrances la jalousie.
Que ses fleurs fanent et tombent, réduites en boue et
poussière,
Subsistera toujours ce parfum comme avant.
//Lù Yóu (1125-1210)
/ Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
SUR L’AIR DE LA MÉLODIE DES PASSES DU SOLEIL
L’herbe du défilé sous un halo de brouillard s’étale,
De la Wei en remous s’entend le grondement.
Les vagues de pluie du printemps s’apaisent,
une légère poussière se répand,
On monte en selle pour partir en campagne.
Voyez là si verdoyants les saules,
Dont ici on a tiré et brisé un rameau.
On se met en branle le cœur lourd,
Qui sait en quelle saison nous serons à nouveau réunis ?
Alors, vidons encore un verre,
Chantons encore un air !
On soupire sur l’existence,
Si amer de passer d’une joyeuse compagnie aux adieux,
au départ.
Aussi ne nous dérobons pas à l’ivresse profonde,
Prêtons l’oreille aux « Passes du Soleil » jusqu’au bout.
Quand nous repenserons à nos chers vieux amis,
Éloignés de cent lieues, avec eux nous partagerons le
clair de lune.
// Kòu Zhùn (961-1023)
/Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
UNE NUIT AU PALAIS DES GROTTES CÉLESTES
D’automne les collines qu’on ne peut épuiser,
D’automne les rêveries aussi qui n’en finissent pas.
Le torrent de jadéite charrie des feuilles rougies,
Les bosquets verts se piquent de nuages blancs.
Dans l’ombre fraîche un oiseau descend,
Sous un jour défaillant les cigales se dispersent.
Cette nuit le bananier quand il pleuvra,
Qui sur l’oreiller l’entendra ?
// Lin Bû) (967-1028
/Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
SUR L’AIR DE COMME EN SONGE
Souvent je me rappelle la gloriette du ruisseau à
la tombée du jour,
Alors que plongée dans l’ivresse j’avais perdu le
chemin pour rentrer.
L’euphorie passée, au soir revenant en barque,
Égarée, je m’enfonçai dans les lotus en fleurs.
Frayer la brèche, frayer la brèche,
D’effroi je fis s’envoler toute une grève de goélands
et d’aigrettes !
//Li Qing Zhào (1084 — après 1149)
/ Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
DANS L’ESTUAIRE VOGUE LE NAVIRE
La nuit dernière sur le petit navire : un ciré pour la pluie,
Plein fleuve de vent et de vagues : à la nuit qu’y faire ?
Ce matin seul, on veut rouler la toile pour regarder,
Rien n’a changé : des montagnes bleues et des bois verts partout.
// Zhu Xi (1130-1200)
/ Traduction du Chinois par Bertrand Goujard