On nous avait délibérément menés en bateau. Et pour certains, assassinés. Pas avec l'intention arrêtée de nous éliminer, bien évidemment. Mais pour défendre d'obscurs intérêts qui faisaient fi du premier devoir du médecin et de l'Etat : défendre la vie du malade, assurer la sécurité du citoyen.
C'est en 1977 que le germe du sida contamina les banques de sang américaines. En 1982, un cas probant d'infection post-transfusionnelle fut diagnostiqué au Bellevue Hospital de New York. Les revues médicales anglo-saxonnes refusèrent de publier le manuscrit rapportant cette observation. Une autocensure provoquée par la crainte d'indisposer les puissantes institutions qui faisaient commerce du sang.
On estime, statistiquement, que sept à huit mille personnes transfusées avant 1986 seraient séropositives. Mais nul ne s'en était douté jusqu'alors. Aucune campagne d'information, aucune recherche de dossier, aucun dépistage recommandé. Combien parmi ces oubliés de la contamination auront infecté des membres de leur entourage ?
Il revient à la France de consacrer l'existence d'un quatrième pouvoir auquel Montesquieu n'avait pas songé. Celui de la santé. Ce pouvoir serait séparé des trois autres, exécutif, législatif et judiciaire. Sa réalité et son indépendance seraient garanties par la Constitution qui lui accorderait le pouvoir de décider, d'agir et d'informer.
Si le CNTS avait réagi à temps, ses chercheurs et ses dirigeants possédant suffisamment de données épidémiologiques pour le faire, la contamination massive des hémophiles aurait pu être évitée.