En 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) évoquait une « flambée de violence » dans son rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Et, dans cette flambée, la montée de l’intolérance antimusulmane et de la polarisation contre l’islam était la donnée la plus constante, la plus ancrée. « Si on compare notre époque à celle de l’avant-guerre, on pourrait dire qu’aujourd’hui le musulman, suivi de près par le Maghrébin, a remplacé le juif dans les représentations et la construction d’un bouc émissaire », commentaient les sociologues et politologues sollicités par la Commission.
Un an plus tard, en 2014, la même CNCDH haussait le niveau de son alerte, en observant la résurgence en France d’un « racisme brutal, biologisant, faisant de l’étranger un bouc émissaire », accompagné d’une forte hausse des actes antimusulmans. Nul hasard si le recul, constant depuis lors avec une perte de douze points en quatre ans, de l’indice global de tolérance de la société française mesuré par la Commission remonte à 2009, année du prétendu débat sur l’identité nationale, consécration de deux années de contre-pédagogie sarkozyste. Racisme et xénophobie ne sont pas de génération spontanée, mais le produit d’une politique qui s’y abandonne. « La manière dont on parle des immigrés et des minorités, la rapidité à les défendre et à lutter contre les propos xénophobes sont essentielles pour empêcher les individus de (re)basculer dans les préjugés », soulignait ce rapport annuel de 2014 qui, surtout, s’alarmait de la banalisation de l’islamophobie, sous couvert de combat soi-disant laïque.
« Le racisme a subi un profond changement de paradigme dans les années postcoloniales, avec un glissement d’un racisme biologique vers un racisme culturel », observait la CNCDH. « Se cachant derrière ce nouvel habillage, le terme d’“islamophobie” a été utilisé par les groupes politiques pour fédérer un électorat plus large et revendiquer le droit d’exprimer sa détestation de la religion musulmane et du musulman. Plus inquiétant encore, une certaine frange radicale franchit le pas du discours aux actes. Selon eux, l’islamophobie relèverait de la liberté d’opinion et d’expression et, à ce titre, les manifestations de haine qu’elle inspirerait, que ce soit à l’encontre du culte musulman ou de ses croyants, ne sauraient tomber sous le coup de la loi pénale. Suivant ce dangereux raisonnement, l’agression d’une femme voilée ne serait qu’un acte de militantisme contre une pratique jugée comme une forme d’oppression à l’égard des femmes. »