AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enjie77


Elle (la maman) entreprit de lire avec moi Schiller en allemand et Shakespeare en anglais.
Elle revenait ainsi à ses anciennes amours, au théâtre, cultivant en même temps le souvenir de mon père avec qui elle avait tant parlé de ces choses autrefois. Elle s'efforçait de ne pas m'influencer. Elle voulait savoir, après chaque scène, comment je l'avais comprise, et c'était toujours moi qui parlais le premier, elle n'intervenait qu'après coup. Parfois, il se faisait tard, elle oubliait l'heure, nous continuions à lire : elle s'enthousiasmait pour quelque chose et je savais alors que la lecture ne se terminerait pas de sitôt. Cela dépendait aussi un peu de moi. Plus mes réactions étaient sensées et mon commentaire éloquent, plus l'expérience passée remontait avec force en elle. Quand elle s'enthousiasmait pour l'une ou l'autre de ces choses auxquelles elle était si profondément attachées, je savais que la veillée était faite pour durer : l'heure à laquelle je me coucherais n'avait alors plus aucune importance ; elle ne pouvait pas davantage se passer de moi que moi d'elle, elle me parlait comme à un adulte, faisait l'éloge de tel acteur dans tel rôle, critiquait éventuellement tel autre qui l'avait déçue, encore que ce dernier cas ne se produisît que rarement. Elle parlait de préférence de ce qui lui avait plu d'emblée, sans réserve ni restriction. Les ailes de son nez frémissaient au-dessus des narines largement ouvertes, ce n'était plus moi que voyaient ses grands yeux gris, ce n'était plus à moi qu'elle s'adressait. Quand elle était la proie de ce genre d'émotions, je sentais bien qu'elle parlait à mon père et peut-être m'identifiais-je alors effectivement à lui sans même m'en apercevoir.
Commenter  J’apprécie          3314





Ont apprécié cette citation (33)voir plus




{* *}