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Citation de jmarcio


(p. 178)
Un groupe d'ouvriers et de curieux s'était rassemblé le long du train. Ils n'avaient sans doute jamais vu un train avec un tel chargement. Bientôt, d'un peu partout, des morceaux de pain tombèrent dans les wagons. Les spectateurs contemplaient ces hommes squelettiques s'entretuant pour une bouchée.

Un morceau tomba dans notre wagon. Je savais d'ailleurs que je n'aurais pas la force nécessaire pour lutter contre ces dizaines d'hommes déchaînés ! J'aperçus non loin de moi un vieillard qui se traînait à quatre pattes. Il venait de se dégager de la mêlée. Il porta une main à son cœur. Je crus d'abord qu'il avait reçu un coup dans la poitrine. Puis je compris : il avait sous sa veste un bout de pain. Avec une rapidité extraordinaire, il le retira, le porta à sa bouche. Ses yeux s'illuminèrent; un sourire, pareil à une grimace, éclaira son visage mort. Et s'éteignit aussitôt. Une ombre venait de s'allonger près de lui. Et cette ombre se jeta sur lui. Assommé, ivre de coups, le vieillard criait :

- Méir, mon petit Méir ! Tu ne me reconnais pas ? Je suis ton père... Tu me fais mal... Tu assassines ton père... J'ai du pain... pour toi aussi... pour toi aussi...

Il s'écroula. Il tenait encore son poing refermé sur un petit morceau. Il voulut le porter à sa bouche. Mais l'autre se jeta sur lui et le lui retira. Le vieillard murmura encore quelque chose, pourra un râle et mourut, dans l'indifférence générale. Son fils le fouilla, prit le morceau et commença à le dévorer. Il ne put aller bien loin. Deux hommes l'avaient vu et se précipitèrent sur lui. D'autres se joignirent à eux. Lorsqu'ils se retirèrent, il y avait près de moi deux morts côté à côte, le père et le fils. J'avais seize ans.
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