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Citation de mandarine43


[ Incipit ]

Il n'y a pas de vol entre époux.
La serrure toute simple, ancienne, ne devait pas poser de problème. Elle avait été lubrifiée, sans doute pour pouvoir être fermée à clef facilement. Avec un rayon de roue, pris sur un vieux vélo, je fis rebondir le crochet, en appliquant une pression régulière sur les goupilles. Je me concentrais sur le geste et non sur l'ouverture. Mes mains étaient correctement positionnées : certaines articulations immobiles, d'autres en mouvement. Pendant que le majeur et l'annulaire fournissaient un point d'appui, l'index manipulait le rayon. Il fallait visualiser la serrure pour en venir à bout. À force de tâtonnements, je commençais à m'en faire une image précise. Je remarquai qu'une seule goupille bloquait l'ouverture des deux plaques. Grâce au crochet, je forçai sur la serrure en poussant sur la plaque du bas.
Tout en maintenant la pression, je consultai ma montre : il ne devait pas revenir avant deux heures. Même s'il ne m'avait jamais fait la surprise de rentrer plus tôt, je redoutais une arrivée intempestive. Les oreilles dressées comme un chien pour entendre la porte d'entrée s'ouvrir, j'étais prête à bondir à la minute même où il surgirait. La serrure semblait de plus en plus réceptive. Je la sentis prête, cette fois, à céder. Je tentais de rester calme. Encore un tout petit effort. Enfin, j'entendis le déclic. La porte s'ouvrit.

Le bureau était dans un désordre indescriptible. Il y régnait une odeur de cendre froide, d’alcool, de haschisch, et un air de fin du monde. Un bric-à-brac encombrait la pièce : ordinateurs de plusieurs générations, scanner, imprimante, chaussettes, caleçons, livres, photos, séries de câbles et de fils, vieux emballages. Partout, des cadavres de bouteilles de bière, des mégots de cigarettes. Je consultai à nouveau ma montre : dix minutes avaient passé. Avec mon Iphone, je pris une photographie de l’ensemble de la pièce, puis d’une série de détails. J’avais préparé un sac en plastique pour collecter les pièces à conviction. A l’aide d’une spatule, j’y fis tomber les miettes de haschisch qui parsemaient son bureau. Puis je m’installai sur son siège, devant l’ordinateur. L’écran affichait la page d’accueil de son profil sur Facebook. Je me mis au travail. Tandis que je cliquais sur la fenêtre des messages reçus, je branchai un disque dur externe pour faire une copie de ses fichiers. L’ordinateur indiqua que l’opération prendrait une heure quarante-sept minutes. Je sentis mes pupilles se dilater et de nouveau la sueur sur mes paumes : j’avais à peine le temps. Je me hâtai. J’ouvris ses tiroirs les uns après les autres, photographiai les papiers administratifs, les relevés bancaires, les feuilles de salaire et les factures. Puis je revins devant l’écran de l’ordinateur pour consulter ses messages.
C’est à cet instant, je crois, que ma vie bascula.
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