Elisabeth Asbrink

JUIN 1947 . La guerre froide a éclaté et les américains recherchent intensivement des anticommunistes dont ils ont grand besoin pour combattre l'ennemi .

Nikolaus ( Klaus ) Barbie , alias Klaus Altman , Klaus Becker , Heinz Becker , Klaus Behrens , Heinz Behrens , Klaus Spier , Ernst Holzer , ne souhaitant plus collaborer avec les services de renseignements britanniques , se rend aux américains . Il a éliminé en le brûlant , tel un souvenir refoulé , son tatouage SS .

Le boucher de Lyon . Coupable de viol , de tortures , de meurtres et de déportations , le metteur en scène d'agonies aussi lentes qu'atroces . Responsable de l'envoi vers les camps de 7500 personnes et de l'exécution de 4000 autres . Responsable du martyr du résistant Jean Moulin , auquel il a personnellement veillé , en 1943 . Responsable de l'assassinat à Auschwitz , de 44 orphelins juifs raflés à Izieu, avec leurs instituteurs .

Le Counter Intelligence Service rémunère bien ses services et le protège des autorités françaises qui voudraient le traîner devant la justice . D'ici quelques années , grâce à l'aide américaine , il pourra s'installer en Bolivie , où son savoir-faire en matière de meurtre et de torture sera d'une grande utilité à plusieurs dictatures militaires .

Les mots précédent les armes . Hassan Al-Banna et ses successeurs les affuteront à mesure qu'avancera leur combat contre l'idée même de l'Occident tel qu'ils le voient .

Sayyid Qutb , son héritier à la tète des "frères musulmans " lui succédera : " L'invasion culturelle abêtit les musulmans , les rend ignorants de leur foi et remplit leurs esprits de vérités partielles qui leur vident le cœur " . Il déclare la guerre sainte à l'impérialisme moral . Qutb dirige ses flèches contre L'UNESCO , et d'autres instances occidentales visant " les crayons et les langues qui parlent de démocratie . " Sayyid Qutb exécuté , devient un martyr . Ses idées se perpétuent , les actes qu'elles appuient aussi .Si on l'écoute bien , on peut entendre les partisans de la violence poser les fondements du meurtre et retracer la généalogie de la terreur de cette époque jusqu'à la nôtre .

" L'état islamique a été pensé par Sayyid Qutb , conçu par Abdullah Azam , mondialisé par Oussama Ben Laden , réalisé par Abou Moussab al-Zarquaoui et mis en pratique par Abou Bakr al-Baghdadi ." Contre les crayons et les langues qui parlent de démocratie .

L'internationale fasciste de Malmö en 1951 s'exprime ainsi : " Après les conflits millénaires qui ont déchiré le peuple européen et la guerre dévastatrice qui a marqué la première moitié de ce siècle , ébranlant l'économie mondiale , la culture occidentale se trouve au bord du gouffre . Pour ne pas tomber plus bas , il faut engager une nouvelle ère du progrès humain . " , " La norme matérielle dépend de la norme morale , sans progrès moral , tout progrès social et économique est impossible . Le renouvellement de l'Europe doit coïncider avec un profond renouvellement de la population , de la société et de l'état . " , " Par le terme de culture , nous désignons ce qui nous est le plus cher . IL s'agit de l'expression de notre race . Si la race s'éteint , la culture disparaît . La protection de notre culture implique de défendre notre race . Maurice Bardèche constatera que le principe qui consiste à substituer le concept de culture à l'hérédité facilite la tâche de l'extrême droite .

L'inventaire de ce que déteste Hassan el-Banna tient en peu de mots : la licence des mœurs . L'émancipation des femmes , la démocratie , la musique , la danse , le chant et l'influence étrangère .......

A vingt ans , al-Banna habitait à Ismaïlia , une maison dont le rez-de-chaussée était loué par des juifs , le premier étage par des chrétiens , lui-même et ses amis occupaient les espaces supérieurs : une métaphore , selon lui , de l'évolution des religions monothéistes .

Puis il a fondé les frères musulmans .

Joszéf et sa mère Lilly ont survécu . A cela plusieurs raisons . Lilly parle couramment l'allemand , c'est l'une des raisons invocables .

Une autre : Adolf Eichmann , au moment de procéder au meurtre des juifs de Hongrie fait rafler en premier les juifs des villages et ils vivent en ville .

La troisième raison : Staline , dont l'armée rouge s'empare l'un après l'autre des quartiers de Budapest .

la quatrième raison est d'un autre genre . Il n'y a parfois rien de rationnel qui puisse expliquer qu'à l'intérieur d'un même génocide , d'une même guerre , l'un meure et l'autre survive . Des mots comme ' chance ' et ' miracle ' ne sont que fioritures , une forme d'embellissement d'un état de fait incompréhensible . Entre mourir ou non , personne ne peut savoir ce qui sera le plus dur , personne ne saurait calculer le coût de sa propre survie , ce qu'il faudra payer par intermittence pour régler cette dette .

Per Engdahl a un rêve et va y consacrer les 20 prochaines années de sa vie . Les échanges qui ont lieu par courrier , téléphone ou par la voie de ses collaborateurs envoyés sur le terrain , s'intensifient autour de l'idée d'une " collaboration nationaliste " . Un travail efficace car exécuté dans l'ombre , hors de tout contrôle et sans risquer de laisser la moindre trace .

Cela finira par porter ses fruits : " Le grand congrès de Rome " qui laissera le monde stupéfait . En octobre 1950 peu d'années donc après la fin de la deuxième guerre mondiale et la défaite des fascismes , les chefs de file des mouvements fascistes et nazis d'Italie , de Grande-Bretagne , d'Espagne , du Portugal , de France , de Suisse , d'Autriche , d'Allemagne , des pays-bas , de Belgique et de Suède se rassembleront . Et la fleur noire s'épanouira .

Tandis que les âmes démocrates se gonflent d'idéaux universels , le fascisme en pleine mutation évolue du nationalisme vers l'internationale nationaliste . En Italie le MSI entretient la flamme de la pensée mussolinienne et se tisse un réseau qui relie les fascistes d'Autriche , de Suisse , de Grande-Bretagne , de France , de Belgique , des Pays-Bas , de Scandinavie , d'Espagne , d'Amérique Latine et du Moyen Orient .
Des connexions s'établissent autour de Per Engdahl chef des fascistes suédois et de son confrère britannique Oswald Mosley . Bientôt tous ces réseaux fusionneront , selon le plan de conception d'une troisième Europe ni capitaliste ni communiste , un bastion qui fondera son économie sur les matières premières et les productions en provenance des colonies africaines , abandonnant la démocratie à son sort si peu viril .

La conférence se tiendra donc à Rome , du 22 au 25 octobre 1950 . Seront présents Oswald Mosley fasciste anglais , Karl-Heinz Priester des jeunesses hitlériennes etc ...Se crée alors le projet d'une Europe totalement centralisée , menée par un dirigeant fort .Ce congrès entrera en contact avec lAsociacion Argentina Europa dirigée par Hans-Ulrich Rudel ex pilote nazi qui organise la fuite des nazis en coopération avec le Vatican .

Ce congrès marquera le succès de l'extrême droite . La " carta di Roma " formule en dix points l'avenir de l'Europe mais le mot démocratie n'y apparaît pas une seule fois .La prochaine réunion se tiendra à Malmö . Une soixantaine de fascistes européens s'y réuniront en 1951 et donneront naissance à l'Europäische Soziale Bewegung visant à construire une Europe libre de tout élément étranger .

Durant les quelques mois de " blitz " la Luftwaffe a largué près de 50 000 tonnes de bombes sur la Grande-Bretagne : 4,5 millions de bâtiments endommagés .

En Autriche , à Wiener Neustadt sur 40 000édifices , seuls 18 sont restés intacts ; A Budapest la moitié des immeubles sont inhabitables ; 460 000 logements sont détruits en France et en Russie 1700 villes et villages sont rasés . En Allemagne 3,6 millions ont été pilonnés et 18 millions d'allemands sont à la rue .

Malgré la mort du journal " Der Ruf " qui deviendra " Der Skorpion " , Hans Werner Richter , directeur de conscience du " Gruppe 47 " et ses amis écrivains ne baissent pas les bras .

Ces hommes se trouvent au milieu de ruines aux relents nauséabonds . C'est cela qu'ils veulent raconter , tout en proposant de construire quelque chose de neuf . Ne pas regarder en arrière , ne pas chercher de coupables , mais décrire les éclats du ciel qui apparaissent à travers les toits bombardés , révéler l'espoir et le désespoir des gens qui vivent là , exprimer leurs convictions d'artistes que quelques choses peut resurgir de ces décombres . Les deux écrivains Heinrich Böll et Günter Grass sont parmi ces auteurs ( les membres du groupe 47 ) , qui se retrouvent pour confronter leurs écrits en un jeu de miroir réciproque , récolter les louanges qu'ils méritent , puis les laisser derrière eux .

Le journal fasciste " Der Weg " existait mais les fasciste européens de l'internationale de Malmö ont aussi leur publication qui répand la vision politique du fasciste britannique Oswald Mosley : " Nation Europa " . La revue a été fondée par Per Engdahl et deux anciens SS , Hans Oehler et Paul von Tienen .Carl-Ernfrid Calberg en est le principal actionnaire mais Werner Naumann ancien secrétaire d'état de Goebels y participe aussi .

Dans les pages de ce journal , le passé est soigneusement nettoyé , l'honneur de la Waffen-SS y est réhabilité et l'on nie le génocide . "Nation Europa " réunit toutes les caractéristiques de l'organe de propagande néofasciste le plus dangereux depuis la fin de la guerre .

De nombreuses plumes s'y font publier : Per Engdahl , Maurice Bardèche , Hans Grimm , Hans Oehler , Julius Evola mais aussi ..........Jean-Marie Le Pen .

‘Arab al-Zobeid
Hamda Jomaa est une fille au caractère bien trempé, mais il y a quelque part une limite contre laquelle son courage pourrait buter. Et cette limite se rapproche.
Quand l’homme à la boîte magique arrive au village, il appelle les enfants. Les petits réclament du grain à leurs mères, les plus grands se mettent en devoir d’en voler, et tous viennent admirer la boîte qui, d’après son propriétaire, se nourrirait de sucre et ferait des crottes de caramel. Ils se tordent de rire et paient en boulghour, lentilles et avoine. L’homme raconte des histoires en montrant des images qui se transforment en récit, lorsqu’il plante un bâton dans la boîte en carton et tourne la manivelle.
À seize ans, Hamda ne se lasse pas de la féerie de ces images qui bougent. Pour payer l’homme, elle chipe le pain de sa mère et quelques poignées de lentilles dans la réserve. Soudain, elle pense aux cinq coqs et à toutes ces poules que possède son oncle. Elle profite de sa sieste pour se faufiler chez lui et lui voler des œufs – tous ces efforts pour pouvoir voir les images s’animer sous ses yeux, entendre les aventures de ces héros et de ces soldats de la liberté, sentir la grandeur du monde. Mais alors qu’elle ressort de la tente, son oncle se réveille, il l’attrape et la bat. Les œufs se brisent. Cette nuit, Hamda dormira dans une grotte avec son tablier souillé, pour échapper à la colère de son oncle. La tempête passera.
Chaque soir, quand l’homme à la boîte magique finit son histoire, il conclut par la même formule : « Voilà l’obscurité, voilà la nuit. »