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Citation de fanfan50


Nan n'avait jamais compris sa fille. Elle s'en apercevait maintenant beaucoup plus clairement qu'au cours des années où elle avait attendu que Nicola émerge de la chrysalide de son adolescence troublée sous la forme d'une adulte façonnée à l'image de ses géniteurs. En songeant à son enfant, Nan sentit se poser sur ses épaules le poids d'un échec si vaste qu'elle se demanda comment elle pouvait continuer à vivre. Se dire qu'elle avait enfanté une telle fille... que des années de sacrifices l'avaient conduite à ces instants... Que les soins qu'elle lui avait prodigués, les soucis, les projets, le don de soi à répétition l'avaient amenée à se sentir comme un poisson arraché à l'océan qu'on a laissé se dessécher et pourrir loin de l'eau... Se dire que les pulls qu'on avait tricotés, la température qu'on avait prise, les genoux éraflés qu'on avait soignés, les petites chaussures qu'on avait cirées, les vêtements qu'on avait soigneusement entretenus, tout cela avait finalement compté pour rien aux yeux de la seule personne pour laquelle on avait vécu et respiré... c'était insupportable.
Elle s'était consacrée corps et âme à la maternité et elle avait échoué, n'apprenant rien d'important à sa fille. Nicola était Nicola, et voilà tout.
Nan était contente que sa propre mère fût morte pendant l'enfance de Nicola. Il lui avait été épargné de voir sa fille échouer là où ses ancêtres avaient réussi. Car Nan elle-même incarnait toutes les valeurs que sa mère lui avait inculquées. Née à une époque de privations, elle avait été à l'école de la pauvreté, de la souffrance, de la générosité et du devoir. En temps de guerre, on ne cherchait pas à se faire plaisir. Le moi était secondaire et passait après la Cause. La maison où l'on habitait devenait un havre pour les soldats convalescents. La nourriture et les vêtements et jusqu'aux cadeaux qu'elle avait reçus pour son huitième anniversaire lui étaient gentiment mais fermement retirés des mains et donnés à plus nécessiteux qu'elle. C'était une époque dure mais cela vous forgeait le caractère et Nan avait du caractère. C'était ça qu'elle aurait dû transmettre à sa fille.
Nan était devenue la réplique de sa mère et pour récompense elle avait eu l'approbation de cette dernière qui se manifestait sans phrase par un hochement de tête quasi royal. Elle avait vécu pour ce hochement de tête d'approbation qui disait : "Les enfants apprennent à vivre en observant leurs parents, tu as appris la leçon à la perfection, Nancy." Les parents donnaient au monde de leurs enfants sa signification. Les enfants découvraient ce qu'ils étaient et apprenaient à se comporter dans la vie en suivant l'exemple des parents. Qu'est-ce que Nicola avait bien pu voir dans ses parents pour devenir ce qu'elle était devenue ? Nan ne voulait pas répondre à cette question qui la mettait face à des monstres qu'elle n'avait pas envie d'affronter.
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