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Citation de Abeilles


Nous n'avions pas un mot en commun. Je ne connaissais même pas encore le vocabulaire usuel ; ils ne parlaient pas la moindre bribe de la moindre langue étrangère, et sans doute usaient-ils de surcroît d'une forme dialectale de finnois. Pourtant, toute la soirée, dans notre désir d'échange, nous parlâmes chacun dans sa langue maternelle et nous nous comprîmes. Grâce à la disponibilité d'esprit où les avait mis leur isolement hivernal, grâce à la réceptivité suraiguë qu'avait développée en moi une longue marche, nous percevions comme par magie les vibrations de la langue de l'autre sans en connaître le moins du monde ni le vocabulaire ni la grammaire.
Aussi lorsque, peu avant minuit, il s'agit de se coucher, mes hôtes, sans quitter leurs vêtements du jour hormis les bottes, me proposèrent de dormir entre eux deux, dans leur lit étroit. Tandis que ronflait le poêle qui surchauffait la pièce, je repensai à tout ce que nous nous étions dit, à tout ce que, inexplicablement, j'avais compris de leur existence. Si neuf mois de marche ne m'avaient pas dépouillé de mes repères ordinaires, si l'effort et la nature n'avaient pas simplifié et concentré mes pensées, si la solitude n'avait pas donné tout son prix à la rencontre, qu'aurais-je donc saisi de ce que mes hôtes ce soir-là avaient voulu partager de leur vie ? (p. 39-40)
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