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Citations de Emeric Fisset (18)


Pour moi, le vrai sens du voyage, et notamment du voyage à pied, est dans l'effort personnel, égotiste, qui consiste à se mettre en harmonie avec le monde – la nature et les hommes. Cet effort inutile ne contribue pas de manière spectaculaire à sauver la planète, mais il présente au moins l'immense mérite de ne pas lui nuire ni de mentir aux hommes qui la peuplent. Car la marche est d'abord, par le dépouillement qu'elle implique, par sa simplicité, une démarche de sincérité.
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Je ne marche pas devant quelqu'un, auquel cas je me sentirais pressé; ni derrière, auquel cas je me sentirais confiné. A mon rythme, je fraie ma voie. En réalité, je marche au-devant. Au devant de nouvelles émotions, de nouvelles rencontres. Par ma seule volonté, je renouvelle à chaque instant la découverte et son plaisir. Mon apprentissage est autodidacte, le succès et l'échec ne reposent que sur moi.
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Il m'est arrivé de croiser un ours brun, accablé comme moi par la pluie continuelle, de la manière la plus courtoise qui soit. Nous étant arrêtés à 12 mètres l'un de l'autre pour nous dévisager, nous entreprîmes juste de nous écarter légérement, chacun par sa droite, de la sente animalière où, à cet instant, nous n'avions pas la moindre intention de nous chercher noise, pour poursuivre aussitôt tête baissée notre cheminement taciturne. (...) Plantigrade, omnivore, l'ours est réellement, plutôt que l'ennemi de l'homme, son magnifique cousin va-nu-pieds.
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Si elle ouvre les portes, la marche ne donne aucun droit, quel que soit l'état de fatigue ou de précarité dans lequel celui qui s'y livre s'est placé de plein gré. Elle oblige au contraire le marcheur à conserver, en la renouvelant sans cesse, une faculté inestimable: l'émerveillement.
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Plus mensonger encore que de vouloir récupérer une part de l’aura des grands voyageurs d’antan est à mes yeux le fait d’alléguer des motifs humanitaires, écologiques, culturels ou scientifiques pour se mettre en route. Marcher au profit d’une instance charitable quelle qu’elle soit, pour attirer l’attention sur la préservation d’un écosystème menacé, en faveur de la cause de telle population persécutée ou en vue de l’avancée de telle recherche médicale procède d’une intention méritoire mais qui, à l’usage, est vite corrompue par l’objectif de publicité. On exagère ses réalisations pour accroître les dons, on utilise des moyens lourds et bien peu écologiques pour filmer sa progression dans le milieu à défendre, on modifie son itinéraire et sa pertinence pour passer au journal de 20 heures, on fait croire que les données collectées en route apportent une contribution décisive à la connaissance de l’épaisseur de la banquise ou du rôle de la canopée, alors que des équipes et des instruments scientifiques dédiés étudient ces questions depuis des décennies. Plus dangereux encore, les marcheurs ou autres sportifs qui, à grand renfort de tests médicaux avant, pendant et après leur exploit, veulent persuader qu’ils apportent une meilleure compréhension de la nature et de la résistance humaines : l’homme dans le chaud, le froid, l’obscurité, la solitude. Comme si, malheureusement, l’histoire humaine, toutes les histoires des hommes, ne nous avait pas abondamment renseignés sur le sujet. Pour moi, le vrai sens du voyage, et notamment du voyage à pied, est dans l’effort personnel, égotiste, qui consiste à se mettre en harmonie avec le monde – la nature et les hommes. Cet effort inutile ne contribue pas de manière spectaculaire à sauver la planète, mais il présente au moins l’immense mérite de ne pas lui nuire ni de mentir aux hommes qui la peuplent. Car la marche est d’abord, par le dépouillement qu’elle implique, par sa simplicité, une démarche de sincérité.
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Lecteur, j'aimerais que tu ne retiennes qu'une chose au terme de ces lignes.
Que ni la gloire, ni la recherche de l'exploit, ni le dépit ne t'animent, mais seulement le désir de voyager. Ne crains rien, ni l'abandon des tiens ni celui de ta vie présente, ni ce que te réservent les lendemains de route.
Endosse ton sac et trace ton propre chemin, fût-il d'un jour, d'une semaine, d'un mois ou d'une vie.
Tu feras de l'amitié de fortune ta provende et de la nature ton amante. Ainsi, quand la pluie du ciel te deviendra aussi douce que l'eau de source, le bruit de l'orage précieux comme le grondement des cascades, quand la valse des floraisons et des saisons t'emportera, quand le chaud et le froid te seront indifférents, que tu appelleras la bise ou l'harmattan pour qu'ils t'instillent le goût du dépassement, que tu espéreras la neige pour qu'elle ranime en toi l'aspiration à la pureté et les sables pour qu'ils polissent ton dépouillement, tu connaîtras l'ivresse de la marche, une ivresse qui ne nuit jamais, une ivresse qui ne passe pas. (p. 88-89)
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Pour moi, le vrai sens du voyage, et notamment du voyage à pied, est dans l'effort personnel, égoïste, qui consiste à se mettre en harmonie avec le monde - la nature et les hommes. Cet effort inutile ne contribue pas de manière spectaculaire à sauver la planète, mais il présente au moins l'immense mérite de ne pas nuire ni de mentir aux hommes qui la peuplent. Car la marche est d'abord, par le dépouillement qu'elle implique, par sa simplicité, une démarche de sincérité.
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L'un des immenses privilèges du voyage à pied est de permettre à celui qui s'y adonne de goûter pleinement l'ivresse d'avoir parcouru un territoire à la seule force de ses mollets et de sa détermination, de lui offrir le sentiment gratifiant d'avoir été le seul artisan de la découverte d'un paysage ou d'un écosystème. Deviner dans le ciel voilé du matin les confins où l'on sera rendu au soir; apercevoir derrière soi, dans la forte lumière de midi, le lieu où l'on est parti au matin et, devant soi, celui où l'on parviendra à la nuit ; dans la sérénité du crépuscule, se dire que la veille on avait campé là, en ce point quasi indiscernable à présent, et qu'on s'y trouvait encore à l'aube. Puis, sans plus songer à la fatigue, à la chaleur ou au froid, à la faim ou à la soif, oser penser qu'en poursuivant jour après jour de la sorte on serait pratiquement en mesure de faire, pas après pas, le tour de la planète ...
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Et puis, peut-être par crainte de l'inconnu ou par manque d'imagination, nombre de voyageurs, plutôt que d'inventer leur route, mettent leurs pas dans ceux d'un prédécesseur.
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Personne ne marche par le seul pouvoir de ses pieds.
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Le chemin - ses détours, ses signes, ses embûches - autorise une communion unique entre tous ceux qui l'ont emprunté et continuent d'en fouler la poussière. Il ressuscite dans le même contexte, aux mêmes endroits, des émotions universelles. (p. 83)
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La sagesse qu'on tire de cette expérience est l'adéquation renouvelée entre ce à quoi on aspirait - désir d'inconnu, de nouveauté, de découverte - et ce qu'on a mis en oeuvre pour y parvenir, entre la fin et les moyens. On se révèle jour après jour le seul maître d'oeuvre de la vie qu'on s'est forgée. On devient l'artisan de son propre bonheur, un bonheur qu'aucune tornade, aucun séisme, aucune catastrophe naturelle ne saurait détruire, car il ne repose pas sur une satisfaction d'ordre matériel mais d'ordre intellectuel et spirituel. Il envisage l'avenir comme une successions de souvenirs, d'émotions, de rencontres, de visions. Il fait peu de cas de la peur d'autrui, des éléments, du lendemain, de la maladie. Il dénoue les obligations et les liens. Il libère et, ce faisant, rend enfin disponible pour écouter le chant de la nature ou la complainte des hommes, pour éprouver une empathie véritable avec le monde et non plus l'émotion éphémère qui oscille au gré de l'actualité servie par les médias.
On laisse toujours une part de soi dans un pays qu'on a traversé à pied et, comme le renard qu'a apprivoisé le petit prince, dès lors il ne sera plus jamais indifférent. Le lieu traversé deviendra un lieu éprouvé. ( p. 76-77)
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Ce qui devrait frapper pourtant est la folie de l'homme qui marche. Son mode de déplacement est tellement à l'opposé du cours du monde que même vos hôtes d'un soir, chez lesquels vous êtes arrivé épuisé, assoiffé, affamé, empoussiéré par la piste ou lessivé par la pluie, et auxquels vous avez expliqué le sens de votre voyage, vous proposeront sans doute au matin de vous déposer en ville ou vous communiqueront les horaires du prochain bus. Or la vertu du voyage à pied tient à sa continuité, à ce fil qu'on déroule par l'effort de sa volonté pour relier entre eux les hommes, les animaux, les plantes et les paysages qu'on traverse. Cette vertu disparaîtrait vite si l'on en venait à "sauter" telle région moins pittoresque, tel tronçon d'une route trop passante, les abords désordonnés d'une ville, pour ne garder d'un lieu que ce que recensent les guides touristiques. (p. 72-73)
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Ce qui paraît difficile à concevoir en Occident l'est tout autant, mais pour d'autres raisons, partout ailleurs dans le monde. Comment le paysan courbé sur son lopin de terre ou le pasteur veillant sur son troupeau pourrait-il croire qu'un être sans travail parvienne à subsister et à abandonner longuement sa famille, ses amis, sa tribu ou son ethnie en somme, sans se sentir immensément seul au monde ? Mort au monde... Il faut donc que le piéton réussisse à faire comprendre à ses interlocuteurs que tel geste, tel détail de l'habillement, telle coutume dont il est à l'instant même le témoin donne une forme de justification à sa venue, à ses efforts, au risque qu'il a pris de venir jusque là. Et que l'accueil de ses hôtes, celui qu'on lui prodigue à l'instant même, compense par sa chaleur et sa générosité les liens familiaux qu'il a volontairement dénoués. En définitive, que ce n'est pas le voyageur qui porte en lui la justification de son voyage mais qu'à l'inverse, c'est le voyage, grâce à l'intensité de l'instant vécu et de la relation établie, qui justifie jour après jour le passage du voyageur. (p. 60-61)
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Pourquoi alors ne pas préférer le voyage à vélo, à cheval ou en bateau ? Parce que s'il est patent que l'homme n'est pas constitué pour la marche, si son usage des chemins est aussi son usure en chemin, l'usufruit de la marche est infiniment supérieur à celui qu'on retire de toute autre locomotion. La satisfaction est immense, ineffable, d'être l'âme de son propre déplacement, de le devoir à soi seul et non à des pédales, des éperons ou une pagaie, et de savoir que son opiniâtreté et son endurance permettent de remédier mieux que des rustines ou qu'un calfatage aux inévitables problèmes mécaniques du corps en action et de repousser sans cesse ses propres limites. Il est d'ailleurs curieux de constater à quel point celles-ci vont au-delà de ce qu'on se croyait capable d'accomplir. (p. (51-52)
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Aujourd'hui, grâce aux facilités de télécommunication - qui permettent d'annoncer qu'on est arrivé - et de transport - qui permettent de rentrer en une nuit de train ou quelques heures d'avion -, il paraîtrait sans doute fort éprouvant au Jaquet de se voir condamné à effectuer à pied le trajet du retour. Toutefois, un tel parcours offrait d'envisager sereinement la suite, c'est-à-dire sa propre réintégration dans le tissu familial et social ou dans la vie économique. Car atteindre le but au long cours qu'on s'est fixé est une brisure. Alors que la vie s'ordonnait selon un registre simplifié - marcher jour après jour dans une direction -, elle réapparaît dans toute la complexité des relations et des contraintes qui la ramifient. La parenthèse du voyage est difficile à refermer. Affranchi de la fatigue physique et de la tension de l'objectif, le voyageur retombe dans les conflits du monde et l'amertume diffuse de l'individu qui ne maîtrise plus complètement sa vie. (p. 46-47)
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Tout voyage à pied est une forme de pèlerinage, car le piéton, par la constance de l'effort qu'il fournit, tend à magnifier la destination qu'il s'est fixée, au point qu'elle en vient à revêtir une dimension d'ordre spirituel. Le lieu visé est, de fait, libérateur, au sens où l'atteindre libère le marcheur du désir qui l'étreignait, voire du voeu que, sans se l'avouer pleinement, il avait formulé de le gagner par ses propres forces. Le but atteint marque la fin de l'itinérance "sacrée" et, d'une certaine manière, le retour à la vie "profane". (p. 45-46)
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Nous n'avions pas un mot en commun. Je ne connaissais même pas encore le vocabulaire usuel ; ils ne parlaient pas la moindre bribe de la moindre langue étrangère, et sans doute usaient-ils de surcroît d'une forme dialectale de finnois. Pourtant, toute la soirée, dans notre désir d'échange, nous parlâmes chacun dans sa langue maternelle et nous nous comprîmes. Grâce à la disponibilité d'esprit où les avait mis leur isolement hivernal, grâce à la réceptivité suraiguë qu'avait développée en moi une longue marche, nous percevions comme par magie les vibrations de la langue de l'autre sans en connaître le moins du monde ni le vocabulaire ni la grammaire.
Aussi lorsque, peu avant minuit, il s'agit de se coucher, mes hôtes, sans quitter leurs vêtements du jour hormis les bottes, me proposèrent de dormir entre eux deux, dans leur lit étroit. Tandis que ronflait le poêle qui surchauffait la pièce, je repensai à tout ce que nous nous étions dit, à tout ce que, inexplicablement, j'avais compris de leur existence. Si neuf mois de marche ne m'avaient pas dépouillé de mes repères ordinaires, si l'effort et la nature n'avaient pas simplifié et concentré mes pensées, si la solitude n'avait pas donné tout son prix à la rencontre, qu'aurais-je donc saisi de ce que mes hôtes ce soir-là avaient voulu partager de leur vie ? (p. 39-40)
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