AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de IdeesLivres


Annie peut faire des crises horribles.
Elle devient sauvage, terrifiée et terrifiante. Proie et chasseur.
Elle pleure comme une folle, comme une veuve, une accidentée.
Elle me fait boire des tasses pleines à ras bord de peine salée.
J’ai l’habitude. Je sais gérer. J’ai une technique bien rodée.
Je m’assois face à elle et colle mes genoux aux siens.
On se fait bois, barque et paquebot.
Je balance de gauche à droite, l’entraîne dans mes flots.
Et son visage de lune grave et triste s’apaise toujours, doucement.
On s’embulle, mains sur les oreilles.
Et les sons, les mots, le monde à grandes dents ne mordent plus.

Je voudrais lui dire qu’elle n’a pas besoin d’écouter tout ça.
Que ce credo grave et un peu poisseux ne nous concerne pas.
Que je peux lui en fabriquer un autre. Un magique. Rien qu’à nous.
Car je crois, moi aussi, en des tas de choses.

Je crois que la plume se souvient avoir été oiseau, nuage et ciel.
Et qu’elle ne s’en remet jamais.

Je crois que si mon pouce me démange, je vais avoir du courrier.

Je crois que chaque famille a quelqu’un qui fait office de soleil.
Et que les autres membres ne sont rien d’autres que ses satellites.
Ils tournent autour de lui, cœurs tambours et jambes cuites.

Je crois que les bonnes histoires commencent par un amour fou.
Même la mienne. Même si je suis accidentelle.
Même si j’ai été fabriquée pour la vitrine des Desrochelles :

« Tout va beau, nous allons tous très bien, nous vivons grand.
Nous n’avons pas peur. Nous n’avons jamais mal. Tout est normal.
D’ailleurs, on a fait Velma, après. On a fait Velma, exprès.
Une fille de rechange pratique, conforme, très adaptée.
Pas de chromosome surnuméraire, on vous rassure, on a compté. »

Oui, peut-être que ça s’est passé comme ça.
Que j’existe par et pour Annie. Que je suis l’enfant-béquille.
Celle qui prendra la relève lorsque les parents seront entamés.
Rabougris, oublieux ou décédés.
La voisine l’a dit à maman. « Une fille, c’est plus sûr.
Les garçons s’occupent moins de ces choses-là. Ils s’attachent pas.
Les filles ont le sens du sacrifice. Elles restent. C’est inné. »

Si c’est inné, à quoi bon lutter ?
Commenter  J’apprécie          00









{* *}