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Citation de Soleney


Pour expliquer ce que je fuis en essayant de fuir Lenny (à part peut-être la sensation d'appartenance à quelqu'un, à un lieu), il faudrait que j'explique comment c'est d'essayer d'écrire des choses sur soi, des choses graves et intimes, prise en tenaille entre les cris du Petit et le regard du père, de supporter le pouvoir qu'on s'accorde sur votre corps et sur votre tête juste parce que vous vivez là et que vous ne pouvez pas y changer grand-chose, les demi-accords pour garder une bonne atmosphère, les dix minutes de levrette sur le canapé après avoir couché le Petit et avant de se coucher soi-même, la tête dans l'oreiller, à transformer sa haine en corvée, et entendre le sifflement de générations et de générations de femmes, comment on a fait, nous, comment on y a survécu, pourquoi ton statut d'écrivain te protègerait-il d'une vie de femme tout ce qu'il y a de plus banal, la bouffe, le ménage, les exigences sans fin, et quand la journée est finie, une autre journée commence, une demi-journée où il faut faire rentrer le boulot et la réplétion de l'homme puisque rien n'est gratuit ici-bas, tout a un prix, ton travail a un prix, ta tranquillité a un prix, et la tranquillité des femmes passe toujours par un de leurs trous, sur les trois il y en a forcément un que tu peux céder à moindre coût vers vingt-deux heures, presque morte de fatigue, et que tu aies dit "c'est fini entre nous" au fond n'importe pas, le fait est que tu vis encore ici, tu manges ici, il y a de l'argent que tu peux donner pour t'en acquitter et la marchandise que tu dois livrer ici chaque soir, que tu devrais livrer en tout cas, et les soirs où tu y échappes on ne manqueras pas de te le faire remarquer, regarde ma patience, mon indulgence, je sais que tu me voles mais tu me rembourseras à un autre moment, j'attendrai, chaque fois que tu passeras la porte les bras chargés de courses je serai là et j'attendrai mon heure, parce que mon heure vient toujours, et lorsqu'elle ne vient pas c'est là que je m'énerve, c'est là que je dis en frappant les murs qu'il faut que tu partes, ma vie est un enfer, tout est de ta faute, sans toi je me déteste mais tout pourrait s'arranger avec une pipe, avec une pipe j'oublie que rien ne va dans ma vie et j'oublie jusqu'à l'avoir dit, je ne le pensais pas, ce que je voulais dire par là c'est que j'aimerais que tu me suces, même si tu n'en as pas envie, tu as fait ça pendant trois ans contre de l'argent, tu n'as qu'à imaginer que tu te paies quelque chose en me prenant dans ta bouche, on pourrait dire que c'est un fantasme, mais si tu tires la gueule à cette idée je peux aussi te rappeler qui t'héberge ici.
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