La pièce est blanche il y a des barreaux aux fenêtres. Il y a un grand lit blanc. Trop haut. Un lit d’hôpital. Il y a du soleil dans la fenêtre il regarde les cheveux s’illuminer elle est en contre-jour. Comment il est arrivé dans cet hôpital il ne sait pas. Peut-être qu’ils sont venus ils l’ont pris il ne sait pas pourquoi. Elle est là et elle parle mais il ne sait pas ce qu’elle dit. Comme si son discours était muet. Comme s’il le savait de toute éternité. Comme s’il ne le savait pas. Ne pouvait pas l’entendre. Il faudrait revenir en arrière, toujours en arrière. Il y a le bruit de la mer derrière la fenêtre. Elle est assise sur une chaise blanche. Elle porte comme toujours une grande robe longue. C’est une robe bleue. Elle a maintenant des hanches énormes, des fesses énormes. Elle a dit : « On ne peut pas recommencer. Tu passes toujours à l’acte mais je ne peux pas recommencer. Je ne veux pas, je ne veux plus. Il faut que tu sortes de là c’est tout, de cet enfermement. C’est tout ce que tu as à faire. Tu te reconstruiras. Tu verras. La vie est encore possible. Il y a des lendemains. »
Il y a des barreaux aux fenêtres. Vous êtes passé derrière elle, vous vous êtes penché, vous l’avez caressée. À un moment elle a pleuré, discrètement. Vous avez demandé pourquoi. Elle a dit : « Il y a si longtemps, je n’ai plus l’habitude. Il y a si longtemps que personne ne m’a touchée. » Vous l’avez caressée par-dessus la robe, les seins, le ventre, les cheveux. Elle dit : « Non. »
Vous-même n’est pas tout à fait là où vous êtes, dans le bruit d’une cigale non loin, intermittente. Peu à peu dans le reflux vous regagner votre peau. Et peu à peu, dans le fil du temps, revenant à vous, vous savez plus crûment encore, plus absolument encore, dans la pleine conscience de votre être, dans l’absolu nécessité du vivre, que vous n’avez tué personne, et que vous êtes moi.