Je ne cherche pas à être compris
en ce dernier ciel que m'importe
je ne veux pas chercher mes mots
juste les coller à ma peau
comme lorsque l'on se serre
contre la peau d'une âme chère
dans l'atelier de la peur faire œuvre
une œuvre d'art pour décorer
les murs du dernier ciel
comme le furent les parois
des premiers matins du monde
Page 38
C'est la peur
s'invitant au dessert
venue laper nos assiettes
comme nos entrailles
Idées noires sur écrans bleus
un décompte funèbre
pour l'avènement d'un règne
celui de la mort
Si peu
Si loin
si près
TOUT
qui emplit les marges
incarné dans si peu de chose
Une tête d'épingle
Infiniment rien
Infiniment peu
Infiniment petit
Infiniment dangereux
Ouverture… page 11
Tout semble possible pour qui la joie demeure
Une graine de soleil germant dans l’arrosoir
Dites-moi peut-être je vous dirais sans peur
Que j’ai trouvé hier dans une vielle armoire
Une souris verte ânonnant l’alphabet
Qui voulut bien par mes bons offices
De la langue visiter tous les beaux secrets
Pour dire à ses messieurs en un tour de vis
Qu’elle ne sera pas cet escargot tout chaud
Qu’il ferait bon voir qu’elle resta dans le noir
Ou bien enfermée dans ce fichu chapeau
Surtout au grand jamais qu’ils n’aillent croire
Qu’elle vient de s’oublier dans un fond de culotte
Non elles ne sont pas à elle ces trois petites crottes
In Sonnet n'est pas jouer.
À quelle gare ils arrivent les fantômes ? Quelle gare, quel quai, quelle heure ? Il ne faut pas que je sois en retard, elle s’inquièterait. Elle s’inquiète toujours quand elle ne nous voit pas. Elle s’inquiète pour nous : ses enfants. Je vois un gros panache de fumée là-bas. Est-ce son train, je n’entends rien pourtant. Les gares d’ordinaire sont bruyantes, celle-ci est étrangement silencieuse. Tout se passe comme si de la ouate tamisait les sons : rien ici de l’agitation sonore particulière aux gares. Inlassablement les trains arrivent et c’est sans bruit que les voyageurs de l’au-delà débarquent sur le quai, sortent de ce drôle de nuage blanc et s’empressent de rejoindre leurs proches venus les accueillir. Avant la mort de maman si quelqu’un m’avait dit qu’il existe une gare où les fantômes rejoignent les vivants, je lui aurais ri au nez, l’invitant à soigner quelques addictions inavouables. Pourtant aujourd’hui je suis là sur le quai à l’attendre.
in la nouvelle La main levée.
Plus de dix ans avant l’écriture d’Aurélia, dans une lettre qu’il écrit en 1841 à Mme Dumas, Gérard de Nerval se revendique voyant avant Arthur Rimbaud, malade sans l’être avant Antonin Artaud et rêveur éveillé avant Robert Desnos. Excusez du peu en si peu de lignes.
Dans cette même lettre il a cette phrase magnifique : il y a ici des médecins et des commissaires qui veillent à ce qu’on n’étende pas le champ de la poésie aux dépens de la voie publique. Quelle lucidité pour un malade ! Et quel constat désespérant. Mais il n’est pas récent. Déjà Platon avait chassé les poètes de la cité. Pour Nerval la poésie et le rêve sont intimement liés et, à un même degré, font partie de la vie.
Déglutir vomir le stress
Du goulot de ma gorge
Ce nœud de bouteille
Où toutes hontes bues
La part de l'ivrogne
Coule parfois en moi
Submergé par la folie
D'un monde à l'agonie
De victimes et de proies
Autant de vies sacrifiées
Pour tableau de maîtres
Ma tête émerge du cadre
Noyé ivre et implorant
Une sagesse nouvelle
In Les forêts sombres de vivre. Page 12
Et si tout ceci n’était pas que coïncidence ? Comme un destin qui avec quelques coups d’avance peu à peu se révèle par le rêve. Des petits cailloux sur le chemin que chaque rêve me met sous les yeux et que je soulève comme pour un jeu de piste...
L’imagination fait des détours que la raison ignore, passant par le rêve serait-elle révélatrice de destins ou de désirs ?
Si pour les aborigènes le monde est né du Rêve ou des rêves de leurs ancêtres pourquoi ne pas penser que l’humanité disparaisse un jour dans un Rêve. Qu’elle rejoigne ainsi ce temps spirituel : Temps du rêve qui est la genèse de cette religion. Cela serait bien moins angoissant que les cauchemars finaux auxquels le monde semble voué, enfer ou damnation !
Il faudra bien un jour
relier l'imaginaire au réel
avant que n'ait fondu totalement l'infini
A chaque arbre que l'on abat pend un lambeau d'horizon
Un oiseau à terre et c'est le ciel qui se vide
Le sac plastique jeté à la mer ne l'enrichit d'aucune mémoire
Un jour plutôt que l'autre
comprendre enfin l'harmonie Gaïa
Debout sur la pierre
le visage fouetté par la lumière
sous mes pieds la terre respire
Graines de soleil
graines de chaleur
Je cultive un été sidéral
dans la fournaise de mon corps
le temps d'une montée d'astre