AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.7/5 (sur 10 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Erwan Desbois est critique de cinéma. Il appartient au comité de rédaction du site Accreds, écrit pour la revue en ligne Playlist Society et est membre de l’ICS (International Cinephile Society). Il est l’auteur de J. J. Abrams ou l’éternel recommencement (Playlist Society, 2017).

Source : Playlist Society
Ajouter des informations
Bibliographie de Erwan Desbois   (5)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (6) Ajouter une citation
Lana et Lilly Wachowski ont créé à ce jour six univers de fiction : la trilogie Matrix, la série Sense8 et les films Bound, Speed Racer, Cloud Atlas et Jupiter : le destin de l’univers. Certains se déroulent dans l’enceinte d’un immeuble (Bound), d’autres s’étirent à l’infini dans l’espace (Jupiter : le destin de l’univers) ou dans le temps (Cloud Atlas). Ces mondes ont en commun de ne pas être réductibles à une définition unique et figée. Les Wachowski élaborent en effet des univers à dimensions multiples, dans lesquels la vie se développe sur plusieurs plans distincts: Bound et les appartements des héroïnes Violet et Corky, mitoyens mais hébergeant chacun un mode de vie bien distinct (bourgeois pour Violet, bohème pour Corky); la trilogie Matrix où le monde réel et la simulation cohabitent ; Speed Racer et ses circuits automobiles où il est possible de faire la course contre le ghost du pilote détenant le record ; Cloud Atlas aux récits disséminés sur six époques et six points du globe ; Jupiter : le destin de l’univers et ses sauts de planète en planète ; Sense8 dont les héro·ïne·s (dénommé·e·s les « sensitifs ») parviennent à communiquer et interagir entre eux sur un autre plan que celui de la réalité physique (alors qu’ils vivent dans des pays voire des continents différents, les sensitifs peuvent se connecter aux pensées des uns et des autres, et même influer sur leurs corps et leurs environnements).
Dans chacune de ces situations, le regard des Wachowski se focalise sur la porosité entre les différents mondes, et la possibilité de traverser des uns aux autres via l’ouverture de voies praticables. Ce désir d’aller et venir au-delà de l’horizon de notre perception se manifeste dès Bound, avec la caméra qui passe librement de l’appartement de Corky à celui de Violet sans être entravée dans son mouvement par le mur qui les sépare. Dans Matrix, les réalisatrices font référence à deux modèles en matière de traversée vers des univers parallèles : le roman Les Aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll (Neo, le héros du film, est invité à « suivre le lapin blanc » comme le fait Alice jusqu’à atteindre le terrier qui la fera passer au pays des merveilles) ; et le film Le Magicien d’Oz de Victor Fleming (1939). L’un des rebelles qui s’apprêtent à exfiltrer Neo de la Matrice lui lance : « Attache ta ceinture Dorothy, c’est le moment de dire “salut” au Kansas. » Dans Le Magicien d’Oz, le Kansas est le siège de la réalité objective de la vie de l’héroïne Dorothy, et Oz un monde fantastique peuplé par des êtres étranges et régi par des lois déroutantes. Le voyage d’Alice suit une progression similaire, depuis le monde « réel » vers la fantasmagorie du pays des merveilles. Dans Matrix, à l’inverse de ces deux références, Neo quitte la Matrice, le monde virtuel du film, pour rejoindre le « monde réel ». Rapprocher ce voyage de ceux de Dorothy et Alice implique que la Matrice constitue un univers normé et que notre réalité est devenue une chimère.
Chez les Wachowski, si les frontières entre les univers sont poreuses, il ne s’agit pas d’opposer la normalité de notre monde à l’anormalité des autres mondes.
Commenter  J’apprécie          00
Ses récits prennent des êtres malheureux qu’il rend meilleurs, en ayant constamment recours au même outil, le reset. Au cinéma et à la télévision, ce terme signifie aujourd’hui le fait de reprendre depuis son point de départ une histoire précédemment exploitée dans une série, un film ou une franchise. Abrams revient à sa définition première : la remise à zéro d’une ou plusieurs variables d’une situation ou d’un programme. Les programmes d’Abrams sont ses récits, et les variables qu’il remet à zéro composent l’environnement de ses protagonistes. En éprouvant ce qui fonde leur identité, leurs convictions, il cherche la réponse à la question : qu’est-ce qui reste constant chez un individu lorsque tout ce qui l’entoure est chamboulé ? Abrams manipule les variables dans le but de révéler les constantes. La réinitialisation du parcours de ses personnages fera de ces derniers les acteurs de la refondation de leur existence, sous une forme plus accomplie, plus juste que la précédente.
Commenter  J’apprécie          10
Ce qu’elles sont et ce qu’elles créent sont pour Lana et Lilly Wachowski les deux faces d’une même pièce. Le seul entretien substantiel qu’elles ont accordé depuis Matrix, au magazine The New Yorker en 2012, met en lumière le fil conducteur qui relie depuis toujours leurs vies et leurs œuvres. Ce fil d’Ariane est le coming out, redéfini par les Wachowski dans un sens à vocation universelle : « L’expression « sortir du placard » était censée prendre une signification plus large que celle rattachée aux homosexuels. […] Nous pensons que les personnes gays et queer ne sont pas les seules à vivre dans des placards. Tout le monde est dans cette situation. Nous avons tous tendance à nous enfermer dans ces boîtes, ces pièges. » L’existence même de ces cases a toujours posé problème aux Wachowski, qui prônent le mélange plutôt que l’orthodoxie. « Nous étions souvent frustrées par la séparation entre masculin et féminin dans les jeux et les fictions », poursuit Lana dans l’article du New Yorker. « Nous osions rêver, avec une innocence naïve et insensée, d’un monde utopique où tous les genres pourraient se mélanger. » La philosophe Judith Butler soutient une revendication similaire dans Trouble dans le genre, son essai fondateur sur la construction du genre et la pensée queer : « À quoi bon, pourrait-on se demander, “ouvrir le champ des possibles” ? Le sens de cette question paraît tellement évident aux personnes qui ont fait l’expérience de vivre comme des êtres socialement “impossibles”, illisibles, irréalisables, irréels et illégitimes, qu’elles ne se la posent même pas. » Avec la conviction inébranlable qu’il est en notre pouvoir d’améliorer le monde en ce sens, par l’affirmation de ce qui nous rapproche (l’empathie et l’amour) et le dépassement de ce qui nous sépare (les frontières et les simulacres), Lana et Lilly Wachowski ont créé elles-mêmes à l’écran un monde transgenre qui ouvre à tou·te·s ce champ des possibles.
Commenter  J’apprécie          00
« Peu importe ce qu’il deviendra en grandissant, c’est une faute que de laisser mourir un enfant », affirme Kate, faisant preuve d’une exigence morale où rien n’est jamais condamné par anticipation, tel un écho au Minority Report de Spielberg.
Lost est habitée par la conviction que l’humanité a droit au libre arbitre, à l’amour et à la rédemption : des valeurs positives que rien ne peut venir balayer. À l’heure du bilan, il apparaît qu’il n’y a jamais eu de méchants dans la série, mais uniquement des êtres imparfaits tentant de faire au mieux avec les cartes qui leur ont été distribuées. À partir de la saison 4, Lost deviendra d’ailleurs la série des fondus au blanc, choix chromatique symbolisant comment chaque étape majeure franchie rapproche d’un dénouement positif.
Commenter  J’apprécie          00
Les créations les plus récentes des deux sœurs, Sense8 et Cloud Atlas, sont intensément habitées par l’aspiration à une communion fusionnelle entre les êtres. La série et le film ne cessent de résonner entre eux, par-delà leurs différences de support, d’intrigue et de contexte, comme des âmes sœurs. La relation entre les deux œuvres est une illustration de la réplique de Cloud Atlas « du berceau au tombeau, nous sommes liés aux autres » : elles ont la même origine et le même aboutissement.
Ce que Sense8 affirme au moyen des règles de science-fiction qui régissent son univers, Cloud Atlas l’exprime par une représentation visuelle du thème qui se trouve au cœur de son récit, la transmission à travers les âges du désir d’émancipation et de réinvention.
Commenter  J’apprécie          00
Sauter dans le futur tout en restant obnubilé par le passé, voici une attitude symptomatique de nos sociétés modernes où coexistent, d’une part, l’attrait toujours plus grand pour la technologie et, de l’autre, une omniprésence de la nostalgie et du besoin de retrouver les émotions de notre enfance. Abrams souligne ouvertement ce trait contemporain en plaçant cette fascination pour le mythe que représente Star Wars au cœur des motivations et agissements des personnages du Réveil de la Force. Ces derniers, au même titre que les spectateurs du film, ont, enfants, été bercés par les légendes des Jedi. Eux aussi « jouent à Star Wars » et rêvent de s’en réapproprier les références.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Erwan Desbois (17)Voir plus

Quiz Voir plus

Fantômes

Dans quelle pièce de W. Shakespeare le héros est confronté avec le spectre de son père ?

Le marchand de Venise
Richard II
Hamlet
Titus Andronicus

10 questions
170 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}