Ses récits prennent des êtres malheureux qu’il rend meilleurs, en ayant constamment recours au même outil, le reset. Au cinéma et à la télévision, ce terme signifie aujourd’hui le fait de reprendre depuis son point de départ une histoire précédemment exploitée dans une série, un film ou une franchise. Abrams revient à sa définition première : la remise à zéro d’une ou plusieurs variables d’une situation ou d’un programme. Les programmes d’Abrams sont ses récits, et les variables qu’il remet à zéro composent l’environnement de ses protagonistes. En éprouvant ce qui fonde leur identité, leurs convictions, il cherche la réponse à la question : qu’est-ce qui reste constant chez un individu lorsque tout ce qui l’entoure est chamboulé ? Abrams manipule les variables dans le but de révéler les constantes. La réinitialisation du parcours de ses personnages fera de ces derniers les acteurs de la refondation de leur existence, sous une forme plus accomplie, plus juste que la précédente.
« Peu importe ce qu’il deviendra en grandissant, c’est une faute que de laisser mourir un enfant », affirme Kate, faisant preuve d’une exigence morale où rien n’est jamais condamné par anticipation, tel un écho au Minority Report de Spielberg.
Lost est habitée par la conviction que l’humanité a droit au libre arbitre, à l’amour et à la rédemption : des valeurs positives que rien ne peut venir balayer. À l’heure du bilan, il apparaît qu’il n’y a jamais eu de méchants dans la série, mais uniquement des êtres imparfaits tentant de faire au mieux avec les cartes qui leur ont été distribuées. À partir de la saison 4, Lost deviendra d’ailleurs la série des fondus au blanc, choix chromatique symbolisant comment chaque étape majeure franchie rapproche d’un dénouement positif.
Sauter dans le futur tout en restant obnubilé par le passé, voici une attitude symptomatique de nos sociétés modernes où coexistent, d’une part, l’attrait toujours plus grand pour la technologie et, de l’autre, une omniprésence de la nostalgie et du besoin de retrouver les émotions de notre enfance. Abrams souligne ouvertement ce trait contemporain en plaçant cette fascination pour le mythe que représente Star Wars au cœur des motivations et agissements des personnages du Réveil de la Force. Ces derniers, au même titre que les spectateurs du film, ont, enfants, été bercés par les légendes des Jedi. Eux aussi « jouent à Star Wars » et rêvent de s’en réapproprier les références.