La religion est le seul lien qui unit des populations diverses quant aux origines et au degré de civilisation, mais ce lien suffit pour leur inspirer la solidarité et remplacer à leurs yeux le sentiment national qu'elles ignorent.
Le coucher du soleil traverse un ciel chargé de pluie, embrase la ligne violacée du cap Spartel et mêle au lavis des nuages les taches les plus empourprées, les nuances les plus violentes de l'aquarelle. La côte aride se perd sous les ondées que l'on voit avancer de l'horizon ; les récifs criblent l'indéfinissable bleu de l'eau de leurs points noirs et la villa Perdicaris apparaît comme un jouet d'enfant qu'un souffle va faire choir de son rocher. Puis, c'est un enchantement: blanche, jaune et bleue, Tanger se dévoile tout à coup, avec ses minarets et ses coupoles, sa casbah et ses villas modernes.
L'heure la plus délicieuse du ciel d'Afrique s'emplit d'une sérénité sans pareille. Une tiédeur indéfinissable circule dans l'air : le firmament profond est idéalement bleu et les étoiles claires palpitent comme de beaux yeux mouillés de larmes. La rosée ne tombe pas encore ; l'ombre découpe sur la terre pâle les silhouettes floues des arbustes. Quelques nuages d'argent flottent à l'horizon, tandis qu'au-dessus de ma tête, calme, lumineuse et souriante apparaît la lune...