Eugenio Riccomini

pour lui les sens constituent la substance même du monde visible, que nous révèle la lumière. Et c'est la tache majeur du peintre, et son mérite, de faire que la peinture soit dans la plus grande adéquation possible avec ce que l'œil voit tut en nous illusionnant.

les rares fois où il lui était demandé des compositions sur des thèmes issus de la mythologie antique, ou bien des sujets amoureux, il acceptait volontiers et mettait alors en scène, avec nul rival en son temps (sinon peut être titien), la gloire de la beauté du corps humain.

Corrège peignait les thèmes qui lui étaient demandés, et avant tout des objets de dévotion, et bien sur il les peignait à sa façon, c'est à dire en montrant la beauté et la douceur des corps et de la nature.

Corrège entend ne jamais s'extraire du rêve doré du gout de la renaissance, de cet équilibre serein entre monde païen et sensibilité chrétienne moderne, qui n'est pas seulement un choix culturel, mais une règle de vie.

a la seule exception des fresques de la Camera di San Paolo dont la trame iconographique est constituée d'éloges de la vertu, mais sans lien précis avec la foi, bien qu'elles furent peintes pour un couvent -, il semble que Corrège se soit uniquement consacré tout au long de sa vie à des compositions de caractère religieux.

lumière surnaturelle mais peinte avec un extrême naturaliste, comme si elle faisait partie de la vie de tous es jours et était habituelle à chacun.

Corrège a longuement étudié cette lumière en observant les effets au moyen moyen d'une lampe, ainsi que les ombres qu'elle projetait et les zones de pénombre qu'elle épargnait.

Ainsi ne doit on pas oublier que ses retables, destinés à être vus par toutes sortes de gens sont aussi voués à participer d'une contemplation collective.

si en effet Raphael et Michel ange contruise des formes parfaites sans commettre erreur, Corrège, quant à lui, met avant tout l'accent sur le dialogue avec le spectateur, ainsi que sur la séduction et la capacité d'attirer et de convaincre.

corrège consacre le meilleur de lui même à ce qu'il peint.

il est évident qu’aujourd’hui, pour nous qui sommes incités à percevoir, mille échos romantiques et à révérer l'exhibition des horreurs picturales, de grunwal à Van Gogh et de Caravage à Géricault, dans le sang et les gémissement, cet épiderme délicat, ce sourire toujours flottant font paraître Corrège un peu douceâtre et mièvre, ainsi qu'il l'était déjà pour Ruskin.

"il est certain que nul ne sut mieux poser que lui les touches de couleur, ni leur donner plus de charme et de relief, tant il mit de douceur dans les chairs et paracheva ses œuvres avec grâce". Ni à propos de Michel ange ni pour ce qui est de Raphaël, tous deux pour lui jugés divins, Vasari n'avait utilisé de tels termes, et aussi explicites.

Corrège tente de parvenir et il y réussit, à un naturalisme à proprement parlé stupéfiant, ainsi qu'à une crédibilité convaincante; ce qui constitue l'équivalent pictural, a-t-ion dit aussi, de cette désinvolture, de cette "sprezzatura" à laquelle dans la vie en société comme dans les lettres et les arts, Castiglione accordait un valeur essentielle.

Corrège abolit d'un coup la tradition en vigueur dans la pleine du Pô en matière de perspective architecturale, dont il craint la théâtralité factice de l'illusion, ce pourquoi il prévient l'artifice du trait géométrique comme du tire-ligne, et abandonne le balcon en perspective de Montegna.

le recours à de fines membrures architecturales dans la coupole est radicalement nouveau, et durant des décennies, ne pourra être comparé à rien d'autre dans le reste de l'Italie.

la vitalité convaincante de ces verdures ou de ces chairs n'est pas définie par le trait du dessin mais par l'air et ses vapeurs denses; quand aux feintes statues qui devraient imiter le marbre, elles évoquent, de fait, la souplesse et la fermeté des chairs et nous présentent un monde encore plus éloquent que son illusoire réalité.

d'une certaine façon il y a changement de démarche, et la métamorphose du langage est radicale. A présent Corrège, sans la moindre hésitation ou maladresse de grammaire et de syntaxe, parle l'italien sonore de Raphaël ou de Michael Ange et il se confronte à eux en partageant le même savoir et les même instruments de communication. *

Corrège a présent âgé de 30 ans, a changé de route. il a posé un regard avide et fasciné sur les proportions parfaites des statues antiques, ainsi que sur les plis des étoffes et le naturalismes de geste; et, de fait, ce visage ressemble à ceux que Raphaël, plusieurs années auparavant, avait représentés dans les fresque du palais du Vatican.

les années de la première maturité de l'artiste, qui vont du grand retable de San Francesco à son installation à parme, sont celles d'une confiance croissante en son langage personnel comme dans la voie choisie.

nulle trace de Bellini, et moins encore de Raphaël, dans cette rédaction calme, harmonieuse et familière.