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Critiques de Eva Kanturkova (2)
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Douze femmes à Prague

Le sort de ces « Douze femmes à Prague » est parfaitement symbolisé en 1re de couv. de ce livre, avec le dessin de ce papillon qui porte l’inscription Charte 77, et qui est enchaîné au boulet qui le retient et l’empêche de s’envoler.



L’auteure, Eva Kanturkova, a une carrière remarquée dans la littérature, le journalisme, la radio et la télévision. Elle a été signataire et porte-parole de la Charte 77, comme les 12 femmes qu’elle a rencontrées et interrogées, et dont les entretiens ont été regroupés dans cet ouvrage.



Elles sont pugnaces, ces femmes, elles ont de fortes personnalités !

Elles sont les épouses d’intellectuels, de philosophes, de professeurs d’université, d’écrivains, de scientifiques, et elles sont elles-mêmes pour la plupart, écrivaines, psychologues, ou artistes…

Elles se sont opposées à l’absurdité, à l’injustice et à l’immoralité qui les entouraient, parce que le monde de Franz Kafka et de George Orwell n’était plus depuis longtemps une fiction littéraire !

L’absurdité ? -C’était la réalité qui était absurde, et elle ne menaçait pas que la Tchécoslovaquie, mais tout le reste du monde !



Ces douze femmes ont toutes une chose en commun, c’est de ne pas s’être inclinées devant le régime totalitaire qui maintenait l’ordre avec sa « normalisation » en Tchécoslovaquie au nom de « l’unité de la communauté des pays socialistes » depuis l’invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie le 21 août 1968 et puis son occupation par les Soviétiques.

Cette date du 21/08/1968 mettait fin au « Printemps de Prague » (débuté le 5 janvier 1968, avec l'arrivée au pouvoir du réformateur Alexander Dubček).



« La Charte s’est embrasée comme un soleil, comme un nouvel espoir. »

En décembre 1976, une pétition intitulée « Charte 77 », commence à circuler et à être signée par des personnalités du monde des arts, des professeurs d'université, des citoyens lambda …, qui rappellent publiquement au gouvernement son engagement concernant le respect des Droits de l'homme figurant dans l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe signé à Helsinki en 1975.



Parmi les auteurs et les 1ers signataires de cette Charte, il y avait notamment Vaclav Havel, l’auteur dramatique et futur Président de la République tchécoslovaque (avec la « Révolution de velours »), et l’écrivain Pavel Kohout.



Ces douze femmes ont toutes signé cette charte et en ont été porte-parole, à tour de rôle.

Elles n’ont pas fait l’autruche, ne se sont pas résignées, ni contentées des quelques avantages offerts par les autorités, en contrepartie d’une obéissance absolue ; elles ont toutes perdu leur travail et n’ont pu retrouver du travail dans leur profession.

A elles, les postes de vendeuses, de femmes de ménage, etc.

Leur indépendance d’esprit et leurs opinions non conformistes leur ont valu d’être reléguées dans une « communauté des exclus », -des exclus de la vie normale, s’entend.



Les autorités ne s’intéressent à elles que pour les harceler, les réprimer, les poursuivre, les emprisonner, elles, dont les maris purgent des peines de prison parce que leurs écrits ne sont pas en accord avec l’idéologie du régime communiste en place, ou parce que l’enseignement qu’ils délivrent à leurs étudiants déplaît au pouvoir…



Le régime politique tchécoslovaque considérait qu’une pensée incorruptible, une création libre, un civisme critique et une solidarité humaine étaient ses plus grands ennemis.

Le plus affreux dans un tel système totalitaire, c’est qu’il apprend aux gens à s’adapter au pire et à se taire !



Quand Eva Kanturkova interroge ces femmes, courageuses et combattives, et leur demande quel est le moyen le plus efficace pour que les gens ne se taisent plus par crainte, elles répondent qu’il faut éduquer les citoyens (et pas uniquement par des paroles et des écrits), mais au moyen d’actions communes d’activités civiques, sociales, syndicales, éducatives, culturelles ou récréatives, dans une bonne coexistence humaine et dans un style de vie libre et non conformiste.

C’était l’éthique même de la Charte 77, qui a réussi à créer une communauté de gens qui ont tenté de surmonter leur peur et de dire la vérité en toutes circonstances, de dire ce qu’ils pensaient en dénonçant publiquement les mensonges de l’Etat.



Dans leurs entretiens, ces femmes parlent bien aussi de la grande cohésion et de la solidarité qui existaient entre signataires de la Charte et ses sympathisants ; elles allaient voir les gens pour leur demander s’ils avaient besoin d’aide, et pour soutenir avec beaucoup de dévouement les personnes qui étaient dans le désarroi, suite à des intimidations, ou à l’emprisonnement d’un proche.



Le « vœu pieu » du pouvoir et de la Sécurité d’Etat : « Si vous restez tranquilles et que vous travaillez comme il faut -comme terrassiers, chauffagistes, manœuvres, manutentionnaires ou femmes de ménage-, nous vous laisserons également tranquilles. Nous vous laisserons vivre en paix. »

Il ne manquerait plus que ça !



Ces douze femmes expliquent à quelles situations elles sont confrontées et dans quelles détresses elles se retrouvent.

Parmi elles, il y a notamment une star de la pop-music, Marta Kubisowa, dont la chanson « Prière pour Martin » a été chantée par les tchèques, en 1968, à l’égal de l’hymne national !

Après l’invasion, Marta avait enregistré sa chanson pour un programme TV intitulé « Nous sommes avec vous, soyez avec nous », slogan par lequel le peuple invitait (en vain) ses représentants politiques à faire preuve d’une véritable responsabilité. Cela, plus sa sympathie envers Alexander Dubček, a fait que le pouvoir totalitaire a monté contre elle une affaire de mœurs, avec l’utilisation de photos pornos truquées. Elle fut définitivement « liquidée », sur le plan matériel, physique et spirituel ! Elle n’a plus eu le droit de se produire en public pendant une dizaine d’années. Son cas est cité dans le livre de Mariusz Szczygiel, « Gottland ».

Et cet autre cas, celui de Julius Tomin, mari de Zdena Tominova.

A l’université, il enseigne les philosophes de l’Antiquité. Il est privé de son poste dès 1970.

Têtu, et acharné à sa mission d’enseignant, il tente de continuer à donner des cours à son domicile.

On l’inculpe. On l’emprisonne. Après son emprisonnement, il trouve un emploi de gardien de nuit au zoo ! Sa femme Zdena, elle, se fera agresser violemment et elle ressentit, dit-elle, les effets de la commotion cérébrale encore 18 mois après !

Certaines de ces femmes, comme Jarmila Belikova, après avoir signé la Charte, et perdu son emploi, tombe malade en prison et elle devra attendre 2 mois, des soins qui ne viennent pas…conséquences :

graves problèmes thyroïdiens, perte de cheveux et déchaussement des dents !

Voilà quelques cas, mais il y en a malheureusement de nombreux autres, qui sont racontés dans ce livre d’entretiens.



La majorité d’entre elles (10 sur les 12) ont décidé de ne pas partir de leur pays (comme la police d’Etat les incitait à le faire), elles qui avaient leurs maris en prison, elles qui devaient s’occuper de l’éducation de leurs enfants, enfants qui eux-mêmes étaient harcelés et ne pouvaient pas suivre (ou poursuivre) leurs études, simplement parce que leurs parents étaient signataires de cette charte !

En agissant ainsi, le régime rejette une masse de jeunes, il les endurcit et fait d’eux des adversaires, sinon des ennemis. « Les jeunes n’aiment pas se racheter, ils préfèrent conquérir et ils réclament les droits de l’homme à plus haute voix que nous, leurs aînés. »



Dans un système totalitaire, toute police est une force en elle-même, une force incontrôlable, qui a carte blanche pour réprimer toute manifestation de désaccord.

Les pays socialistes signent bien les conventions internationales sur les droits de l’homme.

Quant à les faire respecter… c’est une autre affaire !



Dans ce contexte, je trouve particulièrement remarquable et touchant le combat que ces femmes ont mené !

« Le monde devra renoncer à l’autoritarisme s’il veut être sauvé. »

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Douze femmes à Prague

Romancière tchèque et cosignataire de la " Charte 77 " , passa du statut d'écrivain communiste reconnue à celui d'interdite de parution . Mérite probablement d'être lue .
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