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Citation de Toocha


Lionel, quelques jours plus tôt, avait éclaté de rire à la télévision lorsqu'un journaliste lui avait suggéré la possibilité qu'il ne soit pas au second tour. Il avait ri assez fort et avait répondu : "J'ai une imagination normale, mais tempérée par la raison quand même."
Tu sais, Lionel, la plupart des gens ont une imagination normale mais tempérée par la raison. Même le plus créatif, même le plus fou, ne pouvait pas prédire ce qui adviendrait de nous. Pense à tout ce qui est arrivé depuis ton éclat de rire, Lionel.
Ma première fois aux urnes fut donc un vrai fiasco. Et ce goût amer m'est resté. Je l'ai dans la bouche, aujourd'hui, plus que jamais.
Une première fois, on ne l'oublie pas.
Et je ne suis pas la seule à penser que le 21 avril 2002 fait partie de ces dates qui ont changé les choses pour toujours. On avait parlé de séisme, de chaos. Je me souviens de cette une d'un quotidien national, avec la photo du patriarche de l'extrême droite sur fond noir. Le journal titrait simplement : "NON".
Je me souviens aussi de la marée humaine à Paris. Une foule compacte de République à Nation. Tous ensemble, les gens disaient NON.
Une foule de gens qui disaient NON, au diapason. Des millions de personnes, en mai 2002, marchaient dans les grandes villes du pays, ensemble, pour refuser ça.
Que s'est-il passé pour que quinze ans plus tard, quinze ans après le rire arrogant de Lionel, nous vivions strictement la même situation, au premier tour d'une élection présidentielle, sans que cela nous fasse lever un sourcil ?
Cette fois-ci, ni séisme, ni chaos. Non, la terre ne tremble plus. Personne ne s'affole, personne ne s'étonne. Plus personne ne se soulève. On a admis avoir perdu le feu.
Et entre les deux tours, quinze ans après, on peut sentir partout, à tous les étages, l'odeur du renoncement. Et c'est un parfum écœurant que celui de la résignation.
C'est si écœurant qu'on aurait pu reprendre, quasiment au mot près, le début du discours de Lionel : "Si comme on peut le penser, les estimations sont exactes, le résultat du premier tour de l'élection présidentielle qui vient de tomber est comme un coup de tonnerre. Voir l'extrême-droite représenter 20% des voix dans notre pays et son principal candidat affronter celui de la droite (gauche ? droite ? haut ? bas ?) au second tour, est un signe très inquiétant pour la France et pour notre démocratie."
J'ai repensé à Youri, et aux autres, au sourire de Zizou qui s'affichait sur l'Arc de Triomphe, à la beauté de cette foule en liesse sur les Champs-Élysées à l'été 1998. Notre imagination collective, même limitée par la raison, nous conduisait à nous rêver en plus grand, à percevoir que quelque chose de meilleur était à construire.
Que s'est-il passé pour que nous laissions ce millénaire nous voler le feu ?
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