D'où vient ce besoin d'accumuler les objets et les images des pays où l'on a vécu ? Est-ce le résultat d'un attachement réel, de la peur d'oublier, d'un réflexe de préservation et de documentation, le même que celui qui pousse à coller dans un album les photos de ses enfants ou de ses vacances ? Mais il révèle aussi les empreintes de la colonisation, la fascination pour l'exotisme, la propension à prendre chez les autres pour ramener chez soi. Ces objets ne sont pas seulement conservés, ils sont exposés. Ils témoignent d'un passé porteur de fierté, d'un sentiment de puissance peut-être. Ils deviennent des trophées.
Les personnes qui écrivent des autobiographies sans trou nous mentent. Il est impossible de conserver des souvenirs aussi précis, aussi intacts. On l'accepte, c'est plus palpitant. Mais parfois je me sens trahie.