Nombreux sont ceux qui vivent en nous ;
Si je pense, si je ressens, j’ignore
Qui est celui qui pense, qui ressent.
Je suis seulement le lieu
Où l’on pense, où l’on ressent.
J’ai davantage d’âmes qu’une seule.
Il est plus de moi que moi-même.
J’existe cependant
À tous indifférent.
Je les fais taire : Je parle.
Les influx entrecroisés
De ce que je ressens ou ne ressent pas
Polémiquent en celui que je suis.
Je les ignore. Ils ne dictent rien
À celui que je me connais : j’écris.
Les joueurs d'échecs - Odes de Ricardo Reis ( hétéronyme ) - 1935