Walter Allbones est un jeune-homme misérable. Ayant perdu ses parents, il se débrouille, avec l'aide de sa sœur, pour faire survivre ses jeunes frères. Le braconnage étant le plus sûr moyen de mettre de la viande dans le ventre des gamins, il élève des furets. Ils sont d'une aide précieuse pour faire sortir de leurs terriers les lapins qui dans leur fuite se jettent dans ses filets.
L'histoire démarre donc sur une partie de chasse assez cruelle. Le décor, l’atmosphère créés par Fiona Farrell sont si bien rendus que je n'ai pas trouvé ce début très plaisant... j'étais à la limite de laisser tomber ma lecture. Mais je n'allais pas faire ma chochotte, à cette époque là, la vie préservait peu la sensibilité des plus pauvres... j'ai donc fait l'effort de poursuivre.
Au retour, le cœur plein d'allégresse d'avoir son paletot rempli des cadavres encore chauds de nombreux lapins, Allbones fait la rencontre d'un bourgeois, Mr Pitford, accompagné de sa petite-fille. Ils souhaitent observer des petits blaireaux qui s'ébattent, paraît-il, dans le secteur. Très mal à l'aise, avec la crainte que l'on découvre ce qu'il cache, notre jeune-homme leur indique l'endroit exact où ils pourront voir les blaireaux. Pas très à l'aise, mais malgré tout subjugué par la luminosité de la très jeune-fille, il essaie de reprendre son chemin. Mais il doit encore répondre à Mr Pitford qui, avant de se quitter, lui demande son nom. Certain qu'il ne pourra avoir que des ennuis en le donnant, il prononce le nom d'un personnage qu'il soupçonne de lui avoir volé son furet préféré... "Fowler Metcalfe". Cela se révélera être la source d'ennuis plus importants encore.
Mr Pitford est naturaliste, un convaincu de l'idéologie darwinienne... chez lui il y a de nombreux "échantillons" d'animaux naturalisés, dont beaucoup d'oiseaux venant du bout du monde et même quelques spécimens vivants qu'il maintient dans des volières. Il propose à notre ami de lui fournir une forte quantité de furets, qu'il expédiera en Nouvelle-Zélande pour contrer la prolifération des lapins. Puis, vient la proposition de soigner les bestioles pendant la traversée. Au début, pas très enthousiaste, Allbones sera totalement prêt à les accompagner jusqu'à destination dès qu'il apprendra que la jolie Eugenia sera du voyage.
Un voyage difficile et mouvementé pour les personnes comme pour les animaux.
Extrait d'une note de l'auteur : "On importa de Grande-Bretagne, à grands frais et au prix de beaucoup d'efforts, des hermines, des belettes et des furets par centaine pour les relâcher dans l'environnement fragile de la Nouvelle-Zélande, où certaines espèces d'oiseaux -dont beaucoup ne volaient pas- étaient déjà en voie de disparition.
On assistait alors aux migrations d'un très grand nombre d'hommes venant de l'Europe industrialisée. Ceux qui arrivèrent en Nouvelle-Zélande apportèrent avec eux des idées de nature religieuse concernant la suprématie humaine sur la nature, une volonté acharnée de refaçonner la terre pour la préparer à participer à des formes nouvelles de commerce mondial, ainsi qu'une curiosité exempte de passion, façonnée par ce mode d'enquête européen qu'on appelle les sciences de la nature.
Il en est résulté une extinction record d'espèces d'oiseaux, sans égale nulle part au monde. F.F."
À partir de documents d'archives de 1885, l'auteure a relevé le nom d'un Mr Allbones qui aurait fourni et surveillé l'acheminement de furets jusqu'en Nouvelle-Zélande. Sans en savoir plus sur son existence, elle nous a admirablement brodé la vie de ce personnage.
Les paysages, les odeurs, l'histoire, le sujet, le style, tout m'a enthousiasmée dans cette lecture. Je n'aurais qu'un reproche à faire... ce livre est beaucoup trop court.
Je veux une suite ! Mais je sais que c'est illusoire au vu du très très petit nombre de lecteurs. Aujourd'hui, je ne suis que la deuxième sur Babelio à noter ce roman qui mérite pourtant plus d’intérêt que ça !
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Une bien agréable surprise ce roman ! Je l'ai quitté à regrets, un sourire sur les lèvres.
L'écriture est belle, l'intrigue est inattendue, et sous son profil simpliste se révèle une sérieuse connaissance sociale de l'époque, et de l'état de la recherche scientifique.
J'ai un peu retrouvé l'esprit que j'avais tant aimé dans "Prodigieuses créatures" de Tracy Chevalier, un très bon moment de lecture !
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C'est un roman animal.
Allbones, le personnage principal, est complètement intégré à son univers, un petit coin de campagne anglaise. Le roman commence d'ailleurs par une scène dont on ne sait pas, dans les premières lignes, si elle parle d'un animal ou d'un humain.
Les cinq sens sont sans cesse sollicités dans le roman, notamment l'odorat et l'ouïe, sens animaux par excellence. Allbones a lui même des reflexes d'animal (se cacher, se nicher, se soumettre face à la violence, s'attacher à une personne comme un chien fidèle).
C'est aussi un roman historique : on est à la fin du XIXè siècle. Les riches sont presque une race à part des pauvres. L'émigration vers les nouvelles terres (ici la Nouvelle Zélande) un quotidien dangereux. L'autrice en parle d'ailleurs très bien.
Elle évoque aussi le naturalisme paternaliste et plutôt inconscient de l'époque. Ainsi que les redoutables conséquences de l'importation de nouvelles espèces animales.
J'ai trouvé ce roman très juste, tant au niveau du décore que des personnages. Seul bémol : la fin. L'histoire du bébé d'Eugenia n'est pas très crédible, ou à défaut l'autrice aurait pu garder le mystère sur le père de ce bébé, même si c'était peut-être sa façon d'égratigner l'image de représentant de la civilisation que s'attribuait la bourgeoisie de l'époque.
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Une écriture poétique et vivante. Un peu d'histoire, de sciences naturelles. Un peu de psychologie et de sociologie. Et une pincée d'amour... Un livre délicieux !
Un "making of" très intéressant sur le site de l'auteur :
http://fionafarrell.com/novels.html#gpm1_6
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