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Citation de sumitsuki


"Brumes et nuages du mont Lu", si célèbres qu'ils s'étaient mués en proverbe pour désigner son mystère insaisissable, une beauté cachée mais ensorcelante. Par leurs mouvements capricieux, imprévisibles, par leurs teintes instables, rose ou pourpre, vert jade ou gris argent, ils transformaient la montagne en magie. Ils évoluaient au milieu des multiples pics et collines du mont Lu, s'attardant dans les vallées, s'élevant dans les hauteurs, maintenant ainsi un constant état de mystère. De temps à autre, subitement ils s'effaçaient, révélant alors au regard des hommes toute la splendeur de la montagne. Avec leurs corps soyeux et leur parfum de santal mouillé, ces brumes et ces nuées paraissaient tel un être à la fois charnel et irréel, un messager venu d'ailleurs pour dialoguer un instant ou longuement, selon ses humeurs, avec la terre. Certains matins clairs, elles pénétraient par les volets, en silence, chez les hommes, les caressaient, les enveloppaient de leur douceur intime. Pour peu qu'on veuille les saisir, elles s'éloignaient tout aussi silencieusement, hors de portée. Certains soirs, les brumes denses qui montaient, rencontrant les nuages en mouvement, provoquaient une précipitation et amenaient des ondées, qui déversaient leur eau pure dans les pots et les bocaux déposés par les habitants du village au pied des murs. C'est avec cette eau que ces derniers faisaient le meilleur thé du coin. Une fois les averses passées, rapidement, les nuages se déchiraient et, le temps d'une éclaircie, laissaient voir le plus haut mont. Entouré de collines, ce dernier ne conservait pas moins tout le mystère de son altière beauté, avec ses rochers fantastiques dangereusement dressés, qu'auréolait une végétation elle aussi fantastique, réverbérant sans entrave la lumière indécise du soir. Pendant ce temps, les nuages regroupés à l'ouest formaient une immense mer étale dont les flots portaient le soleil couchant comme un vaisseau de rêve scintillant de mille feux multicolores. Un instant après, le sommet se drapait de brume mauve, devenait à nouveau invisible. Comme il se doit, d'ailleurs, puisque c'est l'heure où le mont Lu effectue sa randonnée quotidienne en direction de l'ouest, pour rendre hommage à la Dame de l'Ouest des taoïstes ou pour saluer Bouddha. A ce moment, l'univers avait l'air de se révéler dans sa réalité cachée ; il était en perpétuelle transformation. Ce qui était apparemment stable se fondait dans le mouvant ; ce qui était apparemment fini se noyait dans l'infini. Point d'état fixe ni définitif. N'est-ce pas ce qu'il y a de plus vrai, puisque toutes choses vivantes ne sont que "condensation du souffle" ?
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