L'image peut-elle tout maîtriser?,
Rencontre avec François DAGOGNET
Le monde des objets, qui est immense, est finalement plus révélateur de l’esprit que l’esprit lui-même. Pour savoir ce que nous sommes, ce n’est pas forcément en nous qu’il faut regarder. Les philosophes, au cours de l’histoire, sont demeurés trop exclusivement tournés vers la subjectivité, sans comprendre que c’est au contraire dans les choses que l’esprit se donne le mieux à voir. Il faut donc opérer une véritable révolution, en s’apercevant que c’est du côté des objets que se trouve l’esprit, bien plus que du côté du sujet.
Le corps de l'homme a si bien brassé ses composants qu'on ne les retrouve plus.
Lorsqu'on ne voit pas la frontière, il convient de la deviner, de la reconnaître.
Le moindre éclat, le moindre grain de l'écorce terrestre – de l'univers – mérite le plus grand intérêt esthétique, scientifique et philosophique – à plus forte raison s'il est doublé, porté par une charge affective, une intention amicale, une envie de curiosité, un désir de connaître ou une volonté de communiquer.
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Et nulle autre matière plus que l'asphalte, ne signifie plus le trait d'union qui unit les traits d'union & les pays & les gens. Au delà des frontières.
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Collectionner ces pierres de route, c'est aussi et avant tout relier les gens. Faire s'entrecroiser leurs histoires individuelles.
Les liens entre la médecine et le pouvoir sont multiples et complexes: nous risquons d'abord d'accorder trop au médecin et à son arsenal pharmacologique. De son côté, le médecin pourrait être tenté par des attitudes autoritaires et trop peu coopérantes, alors que nous le voulons l'instigateur d'une rencontre humaine. Enfin, l'administration, pour des raisons de facilité et d'efficacité, ne songe qu'à annexer les médecine à ses desseins hygiéniques et panoptiques.
Notre époque nous voit souvent enfermés dans les villes et privés du réel. Comme asphyxiés. Nous ne regardons plus ni le ciel nie le sol. Ne convient-il pas de réveiller "une imagination" dont nous sommes amputés? On ne saurait penser, ou se retrouver, ou renaître sans s'appuyer à) un "médium" (une terre, une pierre, une substance).
Au total, nous craignons que les succès sans égal (transplantation, structure de génome, invasion des psychotropes) n'entraînent avec eux une vision de la corporéité humaine qui la déforme ou la simplifie.
Il fut facile aux philosophes du XVIIIe siècle de battre en brèche la théorie de l'animal machine ou d'une physiologie mécaniste - liée à des observations ou même des expériences limitées. Aujourd'hui, il n'en va plus de même, c'est la fulgurance de la science qui suggère, dans le feu de ses réalisations et de ses prouesses, la conception d'un corps qu'elle manipulerait à sa guise.
Elle changerait en lui ce qui est usé; elle accèderait à son centre de fabrication ; elle modifierait l'affectivité.
Nous pensons que, sans diminuer en rien les avancées techniques actuelles, nous ne sommes pas tenus à souscrire aux extrapolations qui ne les accompagnent que trop souvent.
On s'interdit de changer ce qu'on a préalablement compris comme ce qui se reproduit assurément (nature, de nasci, naître) mais qu'on ne peut pas produire ni vraiment et profondément transformer (dénaturer reste d'ailleurs un mot négatif, qui signifie perte et même offense).